Commençons par ce que vous avez sans doute lu ici ou là : le style et le timbre de voix de la chanteuse française Imany évoquent sans trop faire d’efforts les opus de Tracy Chapman. Imany. 1m78 de jambes, repérée dans le métro à l’age de 17 ans et mannequin installé à New York pour les sept années qui ont suivi, alternant podium et petits boulots alimentaires. Une carrière dans la mode qui loin d’être une fin en soi lui permet de vivre correctement et, entre autres, se payer les cours de chant et de comédie musicale qui enrichiront plus tard son premier opus. Le client idéal pour sites et magazines féminins. Une famille originaire des Comores qui donne à Imany son teint et sa plastique impressionnante de finesse, de confiance en elle. Une plastique qui provoque une première carrière de » cintre » (c’est elle qui le dit) et offre à la presse féminine d’alterner question musicale et conseil beauté pour carnation africaine. OK » so what » comme disent les Norvégiens »
Imany que j’ai récemment interviewé a effectivement une voix très particulière. Grave, froide mais jamais glaciale, comme Grace Jones ou Tracy Chapman. Comme toutes les Françaises à la petite trentaine, la culture musicale d’Imany est éclectique, passant de la soul à la pop ou au rock sale venu un jour, de la banlieue de Seattle. Pas facile pourtant, avec une voix si particulière de se lancer dans la soul, le RNB ou le rock, même si le chant qu’elle pratique depuis l’enfance reste comme une idée fixe qu’elle garde dans un coin de tête. Tracy Chapman ou Billie Holiday ont des voix particulières. Elles seront ses modèles. Peu encline à rentrer dans un moule de chanteuse » à l’américaine » ou d’ailleurs de faire son trou musical dans la Grosse Pomme, Imany rentre en France et embauche sa soeur comme manager d’une carrière qui l’amène à tourner plus d’un an dans tout ce que Paris compte de salle aux dimensions raisonnables. l’approche de la scène rode des musiques pop folk mâtinées de soul. Malick n Diaye croise sa route. Il a découvert Ayo. Il lance Imany.
Le premier album d’Imany est écrit et interprété par la demoiselle qui apprend la guitare pour l’occasion et sait s’entourer de musiciens doués quand elle est poussée dans les limites de sa pratique de l’instrument. Le disque prend forme autour du duo guitare-voix qui sont les personnages principaux d’histoires d’amours qui se délitent. Imany chante en anglais parce que l’anglais a cette simplicité belle mais jamais cruche ou » variété » qu’auraient les mêmes mots chantés en français. Pourtant, pour que sa maman puisse comprendre le sens de ces histoires d’amours, ces histoires de famille, Imany prend soin de re rédiger chacun des textes en français dans les notes de jaquettes.
You will never know est le tube folk pop de l’album. Shape of a broken heart ou Please and change de fiers prétendants, 12 †œrescapés† d’un travail de composition d’une trentaine de titres. Les arrangements sont toujours discrets, fait de piano et de contrebasse qui s’amusent à jouer le crescendo. Pourtant, ayant eu l’occasion d’entendre en acoustique You will never know, protest song amoureuse dédiée à celui qui est parti, Imany serait capable de tenir à elle seule le charme et la puissance musicale portée par un écrin de guitare. En live sa voix prend de l’ampleur, de la force que le disque lisse un peu.
Et s’il ne fallait garder qu’un bémol à l’album qui glisse pourtant facilement sur une platine vespérale, on parlera justement de ce lissage qui vole en éclat dès qu’on a la chance d’écouter Imany chanter en vrai. The shape of a broken heart est un » beau » disque, et j’entends beau à la fois dans sa beauté intrinsèque que dans son côté brillant, figé, ou dans sa condition de musique de bru idéale. Il lui manque parfois de ces imperfections ou de ces anicroches qui font les disques dont on ne se lasse jamais.
Le talent est patent, la composition efficace. Il manque parfois au disque un brin de rouerie ou d’un esprit qui s’encanaille pour sortir l’auditeur de la torpeur apaisante dans lequel il le plonge. Là on aurait eu du mal à lui accoler l’adjectif » charmant » sans que ce dernier soit chargé d’un léger double sens ironique. Le disque gagne à être interprété pour réellement » exister « . La seule erreur serait sans doute de classer Imany dans une mode qui irait de Asa à Ayo en passant par Meshell Ndegeocello ou même Yaël Naîm tiens. Une musique ethnique, simple efficace, parfois trop polie pour être honnête, lampe bleue attrape mouche bobos en mal d’ouverture au monde. Une musique idéale pour accompagner l’automne 2011 qui pointe le bout de son nez.
Denis Verloes
Date de sortie: 9 mai 2011
label: M6 Interactions
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You will never know en live