Nom : Wimmer. Prénom : Louise. Signes particuliers : son seul bien est un gros break Volvo qui lui sert à la fois de moyen de locomotion et de résidence ; se bat auprès des employées de l’Office HLM pour obtenir un appartement ; et, de toute manière, se bat continuellement pour rester debout, affronter les autres et les galères : mesquineries d’un petit patron, la voiture qui refuse de démarrer. Pour son premier long-métrage, le belfortain Cyril Mennegun dresse par petites touches le portrait sans concession ni apitoiement d’une cinquantenaire, hier épouse d’un chef d’entreprise, aujourd’hui séparée et qui a donc tout perdu du jour au lendemain : argent, statut et toit.
Louise Wimmer est donc à sa triste mais réelle façon une héroîne des temps modernes, ceux de la crise, mais aussi de l’extrême solitude qui la place dans l’impossibilité de dire son besoin d’aide. Louise est devenue une femme rêche, peu aimable, avare de remerciements et guère résolue à adopter une position passive ou honteuse. Très resserré et constitué de séquences courtes qui composent le quotidien de Louise, le film montre concrètement ce qu’implique l’existence précaire d’une femme vivant dans sa voiture. Ingénieuse et observatrice, Louise multiplie les petites combines pour se laver, s’habiller ou se nourrir, veillant à conserver une apparence correcte, notamment lorsqu’elle donne rendez-vous à sa fille pour boire un café. Celle-ci, aussi bien que la tenancière du café et quelques clients, ne soupçonne pas la dureté de l’existence de Louise dont personne ne se préoccupe vraiment de l’état.
Servie magistralement par Corinne Masiero, comédienne physique qui fait partie de cette catégorie au final rare des femmes pouvant être laides et belles (dont Barbara reste bien sûr le héraut), au jeu sobre qui fait ressortir sa double nature fragile et forte, Louise Wimmer n’est pas une oeuvre dépourvue de quelques défauts de mise en scène, de tics inhérents au cinéma d’auteur séminal. La manie de capter Louise dans le reflet de miroirs ou du rétroviseur de sa voiture se remarque trop et quelques scènes paraissent incongrues, comme celle de la transe qui saisit soudain Louise sur les hauteurs de la ville. Sans tomber dans l’angélisme, la résolution du film – Louise a enfin obtenu un deux-pièces au quinzième étage d’une tour, ce qui n’annule pas ses autres problèmes – s’avère le prétexte idéal pour apercevoir la comédienne souriante et apaisée, momentanément rayonnante. Bien sûr, Cyril Mennegun ne donne pas encore à son film le souffle qu’un Pialat ou les Dardenne ont imprimé à leurs productions. Il n’en reste pas moins que Louise Wimmer est un beau personnage, revêche et qui ne cherche surtout pas à plaire ni à se conformer (elle rejette la tendresse que veulent lui apporter un amant régulier et un copain de bar entreprenant). Rien que pour cela, elle nous semble infiniment sympathique et intéressante.
Patrick Braganti
Louise Wimmer
Drame français de Cyril Mennegun
Sortie : 4 janvier 2012
Durée : 01h20
Avec Corinne Masiero, Jérome Kircher, Anne Benoît,…