Dans le Périgord durant la Seconde Guerre mondiale, Ici-bas met en scène l’histoire inspirée de faits réels de Soeur Luce, religieuse et infirmière à l’hôpital de Périgueux. Jusqu’à présent discrète et entièrement tournée vers le Christ, l’existence de Soeur Luce subit un profond bouleversement lorsqu’elle est amenée à soigner le père Martial, aumônier et maquisard. Pour Luce s’incarne en Martial, un être de chair, l’amour asexué et figuratif qu’elle avait toujours porté à la représentation divine. Écartelée entre sa foi et l’attirance irrépressible qu’elle éprouve pour Martial – une attirance qui n’est pas réciproque et que le jeune aumônier, embarrassé et dépassé par les événements, tente de dissuader – Soeur Luce répudie ses voeux et quitte le couvent.
Au coeur des paysages automnaux de la Dordogne, l’histoire tragique et romanesque de Soeur Luce témoigne des difficultés à être religieuse au milieu des hommes, et donc des tentations, notamment dans une époque de conflit qui attise les tensions et génère aussi une promiscuité nouvelle. La démarche radicale et jusqu’au-boutiste de Soeur Luce, récupérée au final par le maquis qui en fera une martyre, faute de trouver une solution qui empêche cette issue fatale, est marquée du sceau de la plus profonde conviction. Elle est intimement persuadée que c’est le Christ qui met sur son chemin Martial comme une sorte de double charnel, mais que l’apparition du nouveau sujet amoureux exclut par automatisme la dévotion. En ce sens, la trajectoire de Soeur Luce, déterminée et intransigeante avec elle-même, fait preuve d’une réelle intégrité que rien – ni la visite d’un vieux prêtre, ni les propositions de l’évêque relayées par le chef des maquisards, désolé de la tournure des événements – ne permet d’ébranler.
Dommage dès lors que la mise en scène de Jean-Pierre Denis ne soit pas plus inspirée. Les scènes de maquis apparaissent trop artificielles et sentent trop le carton-pâte. De même le réalisateur des Blessures assassines ne semble guère à son aise dans le monde secret et hermétique du couvent, en proposant une vision convenue où les paroles doucereuses, mais autoritaires, de la Mère supérieure et de l’évêque, sont constituées d’une litanie de sentences définitives et de lieux communs. l’expérience extraordinaire et solitaire que vit Soeur Luce sème le trouble en rajoutant à celui forcément plus tangible et lourd de dangers immédiats que représente la présence de l’ennemi. Comme si les tourments intérieurs de la religieuse venaient se surajouter à la complexité de la situation mais de façon presque anormale, pour ne pas dire indécente ou hors circonstances, avec des conséquences terribles que le dépit amoureux et la trahison ne peuvent entièrement justifier.
Ici-bas vaut d’abord par la qualité d’interprétation de ses deux comédiens principaux : Céline Sallette et Eric Caravaca, la première habitée d’une force inébranlable et le deuxième abasourdi par cet amour inouî dont il est l’objet à son corps défendant. Hélas le film peine à nous toucher durablement en restant dans une sage et appliquée mise en scène qui manque de souffle et d’ambition.
Patrick Braganti
Ici-bas
Drame historique français de Jean-Pierre Denis
Sortie : 17 janvier 2012
Durée : 01h40
Avec Céline Sallette, Eric Caravaca, François Loriquet,…