Il y a quelques artistes comme ça, dont la musique avant d’ être une musique d’album émanant d’un genre musical particulier, est avant tout une invitation au voyage moderne. Beirut est de ceux là.
Et dans son genre, pas si éloigné de ces voyages sonores orchestrés par Josh Rouse aux confins de la folk et de la pop ou des premiers essais de Divine Comedy à la frontière entre pop et rock entre facilité mélodique et arrangements minutieux.
Rouse le hobo a posé ses valises en Espagne et depuis rumine un peu le même pré carré, Neil Hannon peine à se retrouver dans l’Eurostar, perdu entre Dandy pop et Popstar un peu surdimensionnée. Reste Beirut, avec son patronyme libanais, son origine américaine, et sa francophilie affichée. Et rip tide, l’album idéal quand on doit prendre le volant, le train pour l’Europe ou le charter pour l’orient.
Sur ce nouvel opus, rien qui vienne bousculer la saine alchimie que Zach Condon l’homme derrière le patronyme a réussi à instiller album après album. Soit une bonne mélodie systématique, une atmosphère enlevée en quête de vadrouille , et ces instruments cuivres, vents cordes qui font le trait d’union entre la musique du passé et celle d’aujourd’hui, entre la tradition et la modernité, entre les cultures d’ici et d’ailleurs.
Seule variation sur le thème du voyage, auquel le bonhomme nous a habitué :la destination. Avec les mêmes artifices, avec le même sac à dos musical, c’est à un voyage moins tzigane, moins européen de l’Est, que Condon nous convie. Plus d’une fois, j’ai songé au Libération et Promenade du Divine Comedy signalés ci-dessus, moins par le son que par la manière de lorgner de la pop song évidente, sans avoir l’air d’y toucher vraiment. Par cette manière d’enrichir une trouvaille mélodique d’instruments d’appui digne d’une bonne fanfare régionale. Un voyage » anglo-saxon » voire américain, conforté par la titraille du disque qui de Santa Fe à Payne.’s Bay en passant par Port of Call évoque les rivages des Etats-Unis, comme Divine Comedy évoquait à musique couverte, l’insularité.
Avec moins de grandiloquence que sur son précédent opus, plus de retenue, plus de caractère urbain et étrangement plus de charme intime, Beirut convie pourtant un brass band complet pour cette fanfare en transhumance : orgue à pompe, trompette, ukulélé, saxophone, trompette, cor français, euphonium, trombone, farfisa, accordéon, violon, tuba, violoncelle, piano, harpe sont de la partie dans un album enregistré et maquetté à Brooklyn. On se ballade à front de mer dans une ville de dimanche, dans Atlantic city de Boardwalk Empire, tendu de désillusions et de rêves noyés, de pensées gris clair et de froid octobre. On se promène en laissant l’esprit un tantinet chagrin jouer avec les vagues au loin dans l’air frais hivernal. Et on en redemande.
Simple dans sa continuité, resserré sur les racines new yorkaises du bonhomme et un brin moins jouasse, le petit voyage auquel Beirut nous convie une fois de plus est une réussite de plus à mettre au crédit du bonhomme.
Denis Verloes
Label: Pompeii records / differ-ant