Cinéaste de la ringardise (se remémorer les héros de Monsieur Schmidt et de Sideways), le quinquagénaire d’origine grecque Alexander Payne revient aux affaires après une absence de sept ans. Pour mettre en scène le drame d’une famille (la mère après un accident de hors-bord est plongée dans le coma, laissant son mari désemparé, notamment dans la reprise en main de leurs deux filles), le réalisateur se délocalise pour Hawaii, l’archipel d’îles en plein Pacifique qui est aussi le dernier État annexé par les États-Unis en 1969, avec comme objectif de créer un décalage entre la réputation paradisiaque de l’endroit et la gravité de la situation vécue par Matt King et les siens. Celui-ci est avocat et appartient à la catégorie des becquets, soit de riches métropolitains installés dans un état ultra-marin. Cette notion existe d’ailleurs pour la France et les Antilles et explique en partie les problèmes économiques des territoires d’outre-mer.
Descendant d’une famille prestigieuse hawaîenne, Matt doit donc mener de front une vente de terrain fortement convoité qu’il partage avec une cohorte de cousins autochtones et l’hospitalisation de sa femme, dont il va apprendre par sa fille aînée qu’elle le trompait et envisageait même de le quitter. Un peu dépassé par les événements, Matt accompagné de ses filles et du petit ami de la plus âgée part à la recherche de l’amant.
Dans le rôle du mari perdu, à la fois chagriné et fou de rage d’avoir été floué, souffre-douleur de ses enfants et de son beau-père, on découvre un George Clooney convaincant, loin des emplois de charmeur habituels. Sa fragilité, sa gentillesse et l’énergie qu’il déploie à pactiser, comprendre et ne froisser personne sont à la fois touchantes et sources de quiproquos. Dans des paysages de rêve, sur les plages au bord des eaux turquoise, nos héros en shorts et tongs vivent pourtant des moments douloureux que la chambre d’hôpital où se noue le destin de la mère cristallise. Autour de son lit, on crie, on pleure et surtout on s’engueule pas mal.
Cousu avec de grosses ficelles, le scénario manque de finesses et affiche un volontarisme énergique, échouant à capter l’intensité du drame familial à l’oeuvre, ou traitant la partie la plus délicate du film avec lourdeur et maladresse – l’ambition de celle-ci semblant résider à déclencher les larmes pudiques de l’acteur. À l’inverse, le film est davantage attachant lorsqu’il quitte les rivages du lacrymal et du sentimental, la gamine et l’adolescente flanquée de son copain n’ayant pas leur langue dans la poche. Mais l’ensemble, s’il s’apparente à un léger et charmant dépliant touristique pour l’État de Honolulu, souffre aussi de longueurs et ne décolle jamais vraiment, restant dans les bornes du bien-pensant sous le vernis vite craquelé de situations scabreuses ou insolites qu’Alexander Payne s’empresse de désamorcer.
Patrick Braganti
The Descendants
Comédie dramatique américaine d’Alexander Payne
Sortie : 25 janvier 2012
Durée : 01h50
Avec George Clooney, Shailene Woodley, Amara Miller,…