Histoire d’une relation interdite sous le signe des Dieux et des Montagnes, Hanezu no tsuki figurait dans la dernière compétition cannoise comme le film post-Fukushima, ode à la Nature et au temps, conjuguant les verbes vivre et aimer. Naomi Kawase a déjà montré l’étendue de son talent et de son épure dans la fabuleuse Forêt de Mogari, film initiatique à la beauté radieuse. Mais cette fois son approche incertaine qui mêle légende villageoise, fiction amoureuse et reportage sociologique teinté de scènes oniriques détruit toute puissance des sentiments. A force de confondre ses fonctions, le récit, pesant et démonstratif tant il tient à sa métaphore légendaire, ne puise plus rien de naturel dans la double relation que vit Takumi. Le rapport de la caméra à la nature est toujours d’une grande limpidité, la cinéaste prenant le parti (discret mais fort, qu’on le constate ou non) d’établir une mise en scène en conséquence du décor et non l’inverse. Ou plutôt une mise en scène dépendante de la Nature et de sa disposition. Cela se vérifie dans de nombreuses scènes, mais quel dommage alors que cette verdure respirant le vrai soit brouillée par des plans nocturnes mystiques grouillant d’insectes et de chair humaine… La symbolique de Kawase, liée à la légende des divinités montagneuses (dont le spectateur risque d’en ignorer le sens) échappe souvent à notre perception occidentale ; on ne va bien sûr pas faire le reproche à Naomi Kawase de traduire tout un pan culturel profondément enraciné dans les esprits japonais, néanmoins cette volonté traduit souvent ici une substance initialement assez vide dans les rapports amoureux.
Eclairer par le fruit de l’aventure amoureuse les temps ancestraux, à moins que ça ne soit l’inverse, se servir des divinités pour donner au sentiment amoureux contemporain une dimension tragique, voilà une ambition cinématographique convaincante dans sa promesse de conte et de film multiple. Tristement, Hanezu no tsuki ne développe qu’une vague sensation de ligne droite compliquée, celle d’un amour paisible, nébuleux mais sans tension ni véritable écho temporel, sans soucis des possibles lignes narratives qu’il évoque. C’est d’autant plus regrettable que les films de Naomi Kawase contiennent une sensibilité rayonnante et un style qui se démarque sans peine dans cette relation vitale qui se créée entre le cinéma et la Nature.
Jean-Baptiste Doulcet
Hanezu, l’esprit des montagnes
Drame japonais de Naomi Kawase
Sortie : 1er février 2012
Durée : 01h31
Avec Tota Komizu, Hako Ohshima, Tetsuya Akikawa,…