Depuis quelques années s’est développé un nouveau genre au cinéma rangé sous le terme générique de biopic, : bio pour biographie et pic pour picture. l’idée est donc de mettre en scène la vie sous un angle plus ou moins romancé, plus ou moins hagiographique, d’un personnage illustre. Lequel personnage a pu être chanteur ou homme politique, : les deux catégories qui sans conteste récoltent les préférences des réalisateurs. Dans une liste non exhaustive, on retiendra Serge Gainsbourg, Johnny Cash, Edith Piaf en attendant Claude François pour la catégorie chanteurs et pour l’autre, François Mitterrand, Kennedy, Gandhi, Mandela, plus récemment J. Edgar Hoover qui ont déjà inspiré avec plus ou moins de réussite les cinéastes. Le filon paraît bien inépuisable, l’exercice consistant d’abord et avant tout à un savant numéro de singe de la part des comédiens choisis, se livrant là aussi avec plus ou moins de bonheur, au sympathique mais anecdotique travail d’imitation. Faut-il rappeler ici que nous attendons d’évidence autre chose des acteurs et des actrices – que bien souvent nous avons adorés dans d’autres films – des prestations de singe savant et appliqué, qui ont davantage à voir avec le mimétisme, souvent aidé en cela par le talent des maquilleurs, qu’avec l’incarnation ou l’interprétation.
Si dans ces projets que le grand public semble affectionner, l’inventivité cinématographique est rarement de la partie, on peut au moins attendre un regard critique, une distanciation au regard de la période historique traitée au lieu d’une apologie béate et sans la moindre nuance du sujet. Un travers désolant dans lequel s’était déjà fourvoyé l’américain Clint Eastwood dans son évocation poussiéreuse et extrêmement lisse de l’ancien directeur du FBI. Mais à côté de La Dame de fer, le biopic consternant sur Margaret Thatcher, la dernière production du réalisateur de Million Dollar Baby pourrait passer pour un chef d’oeuvre. C.’est dire d’emblée l’indigence et l’ineptie du long-métrage de Phyllida Llyod, déjà auteur du dispensable Mamma Mia, ! en 2008. On a rarement vu un film passant si largement à côté de son sujet, ou plus exactement, préférant le circonscrire aux pans les moins intéressants et les plus intimes de l’existence de l’ancien Premier ministre britannique, qui fut au pouvoir pendant onze années de 1979 à 1990. Plutôt que revenir sur l’ère dure et inflexible des années Thatcher, ici à peine survolées dans l’évocation rapide et superficielle des événements marquants de son mandat, la réalisatrice opte pour les années de jeunesse – comment la fille d’épicier devint une ambitieuse députée du parti conservateur – et surtout les années de vieillesse, celles de la maladie (Alzheimer) et de la décrépitude. Dès lors, les intentions de Phyllida Llyod finissent par être équivoques, : indulgence démesurée pour une femme vieillissante et diminuée, divaguant et perdue, ou à l’inverse insistance cynique à exhiber la déchéance somme toute habituelle d’une personne autrefois omnipuissante, faisant régner la terreur au sein de son équipe gouvernementale. Toujours est-il que cette option à se pencher longuement sur la vie récente et après interruption de toute activité politique nuit terriblement à La Dame de fer, qui ne parvient jamais à capter l’influence majeure qu’elle exerça durant la décennie que les historiens aiment à qualifier de » révolution conservatrice, « .
Rendre proche, aimable et attendrissante celle qui remit en question la place et le rôle de l’État pour la misère croissante de ses administrés constitue au final une entreprise tout à fait contestable, pour ne pas dire détestable, à laquelle participe, certes avec brio, mais aussi avec le souci problématique d’une humanisation gênante, la comédienne Meryl Streep qui enjolive, à tous les sens du terme, le modèle qu’elle est censée incarner.
Si l’oeuvre pitoyable de Phyllida Llyod devait être un article de journal, il est évident qu’il trouverait davantage sa place dans les colonnes de Paris Match que dans celles de tout canard digne de ce nom, tant l’absence de recul et de la moindre analyse critique se ressent cruellement et affadit l’ensemble qui se résume bel et bien à une prestation style numéro de cirque et à un plaidoyer entre les lignes pour la lutte contre les maladies dégénératives.
Patrick Braganti
La Dame de fer
Biopic français, britannique de Phyllida Llyod
Sortie : 15 février 2012
Durée : 01h44
Avec Meryl Streep, Jim Broadbent, Susan Brown,…