On tient le bon bout, le printemps est là ! Preuve en est avec ce disque libre, accueillant et ouvert à tous vents, nouvel album de l’insaisissable Andrew Bird. Des années déjà que l’infatigable baladin de formation classique promène son archet en maître-violoniste accompli, ses mélodies à tiroirs et sa pop folk aussi aérienne que changeante.
Parcours sinueux que celui du faux solitaire de Chicago, autant que ses compositions remplies de chausse-trapes souvent en équilibre subtil entre Americana rurale et indie pop sophistiquée. Pas toujours aisé de s’y retrouver chez cet adepte des chemins de traverse qu’on a connu flirtant à la, limite de l’expérimentation (Armchair Apocrypha) et qu’on avait quitté en 2009 sur le brillamment pop Noble Beast.
Mais pour peu qu’on l’ait découvert comme moi avec son rayonnant Weather Systems de 2003, disque d’une liberté musicale complète entre joie, pop et mélancolie instrumentale, on reste toujours attaché au travail précieux du musicien.
À première vue, les habitués trouveront sans doute que l’américain a assez peu changé ses fondamentaux : ambiance cosy tranquille, pizzicati de, violons et effets sonores (qu’il appelle des loops), sifflements guillerets qu’ils prendront pour ses marques de fabrique. Fausse impression, ! Rien n’a, changé et pourtant, tout vibre, respire, frémit d’une impression nouvelle : la joie du partage.
Plus insouciant et spontané, le virtuose a laissé de côté l’aspect un peu cérébral de sa musique au profit d’une liberté instrumentale acquise lors de l’enregistrement très »jam sessions » de ce Break It Yourself., Le perfectionniste a laissé plus de place au feeling et au hasard, heureux de l’émulation positive avec ses musiciens qui développaient les idées qu’il lançait.
Un travail à ciel ouvert où se sent la joie palpable de la création collective du moment, enluminé d’un violon retrouvé qu’Andrew Bird a remis à sa, place d’honneur. Excursion indie folk champêtre enchanteresse relevée de banjo et cordes enveloppantes, qui nous promène de balade caraîbe aux accents country square dance (Danse Caribe) en pop song ciselée (NearDeath Experience Experience), d’une rock song, inattendue (Eyeoneye) en nuage de douceur (Lusitania) ou explosion de joie pure (Orpheo Looks Back).
Une libération visible qui s’exprime aussi dans le chant de l’artiste dont la voix n’a jamais été aussi affirmée, d’une fraternité touchante, épaulé parfois par la voix d’Annie Clark de St.Vincent. Si retour sur ses fondamentaux artistiques s’effectuait pour chacun de manière si éclatante, nul doute qu’on aurait des merveilles à écouter chaque semaine.
Classique instantané,, un des plus beaux de ce début d’année et un des meilleurs albums avec Weather Systems de son auteur, pas encore décidé à céder sa place à Owen Pallett ou Peter Broderick. Beau comme l’émouvant Hole In The Ocean Floor, clou incontestable de cet opus épanoui et radieux.
Si la pochette de cet album n’était pas d’un goût si discutable, on tenait là un vrai sans-faute, monsieur Bird ! Blague à part, ne faites pas l’erreur de passer à côté de ce moment réjouissant pas si loin de l’incontournable.
Franck Rousselot
Andrew Bird – Break It Yourself
Label : Mom + Pop
Date de parution : 5 mars 2012