Maxence Cyrin laisse de côté ses reprises et sort un album entièrement composé par ses soins. Un album sans doute surestimé mais séduisant, même pour les mauvais coucheurs (dont je suis).
Je suis toujours allé un peu à reculons à l’endroit de Maxence Cyrin. Déjà ,, son CV, ressemblant au parcours complet pour devenir hype (avec à la fois, Radio Nova,, Le Baron, le »Vrai Journal » F Com ET Record Makers) avait de quoi rendre méfiant, ! Mais en même temps, ce qui a sans doute été pour lui un avantage – ou tout au moins un marchepied pour la renommée, – ne doit pas non plus devenir une tare ; il n’est là aucunement question de musique et il ne faut pas juger (quoique…). Mais de ce côté-là , la musique donc, on pouvait emettre quelques doutes sur la valeur véritable de ce, pianiste de formation classique, n’évoluant pas dans sa famille d’origine mais dans un domaine moins regardant sur le niveau technique du monsieur, moins à même de le juger : en résumé, pianiste lambda dans le classique, dieu vivant dans le monde de la pop. Dernière source de tiédeur, Maxence Cyrin a sorti par deux fois des albums de reprise (citons Pixies, Depeche Mode, MGMT, Justice), un choix, plus souvent vendeur que réellement intéressant et, qui a surtout l’avantage de s’attirer irrémédiablement et à moindre frais quelque sympathie et autre dithyrambe (« oh mon dieu, tu as vu ce qu’il a fait de Where’s my mind ? »). Regardez Nouvelle Vague : un premier album très plaisant et frais et une suite de séquelles transformée en karaoké discographique, facile et commercial.
En comparaison, Maxence Cyrin a la bonne idée et la clairvoyance de ne pas créer une franchise et s’en va sortir un disque composé de morceaux originaux. Point positif., Le musicien avait déjà composé toute, une partition pour accompagner la diffusion d’un film muet de Jean Epstein, Coeur Fidèle. Disons donc que The Fantaisist est le premier album de Cyrin, réalisé sans contrainte, en toute liberté de la part de quelqu’un pouvant laisser libre cours à sa propre fantaisie.
Cet album permet à Maxence Cyrin de concilier toutes ses passions musicales : la musique classique y compris dans ses tentations orchestrales, les BO de films et la musique électronique, le tout avec un savoir-faire qui permet à chaque instrumental de devenir un thème caressant qui marque les oreilles. L’album est séduisant, même -ou grâce justement – si on a l’impression d’avoir entendu toutes ses musiques ailleurs avant, dans la musique romantique, chez Erik Satie (Lumières fantômes pt 2, presque un air du temps du muet), chez, Ennio Morricone, chez Keith Jarrett (March of the Fantaisist), même chez, Radiohead (Feuilles d’Acanthe à des airs d’Exit Music (for a film)). Sur Gradiva, on croirait reconnaître le thème de Que reste-t-il de nos amours ? improvisé par un Vladimir Cosma d’aujourd’hui. Cyrin semble avoir capté quelques airs du temps, des ritournelles universelles et porteuses d’une certaine nostalgie. Il en fait sans doute trop dans l’émotionnel, utilisant parfois quelques grosses ficelles. Ces feuilles d’Acanthe auraient pu rappeler la finesse de Brad Meldhau (qui justement avait repris Exit Music (for a film)) si Maxence Cyrin n’avait rajouté par dessus le piano, une couche de guitare espagnole se croyant dans le Concerto d’Aranjuez. Un peu , indigeste sur le coup.
Les arrangements choisis par Maxence Cyrin sont eux aussi dans l’air du temps : à l’élégance naturelle du piano et des cordes, le musicien y rajoute des synthés aux sonorités vintage rappelant les grands compositeurs des années 60 (Francis Lai, Michel Colombier, François de Roubaix). Si Maxence Cyrin a un talent, c’est celui d’avoir du goût et de savoir l’agencer en bonne intelligence (Chevaux cristallins). Le chanté Eyes of Storm est le morceau que l’on attendrait (espèrerait) d’un, Sébastien Tellier (et qu’il est depuis longtemps incapable de faire) et c’est une réussite.
The Fantaisist est donc un album séduisant, si tant est qu’on accepte de se laisser prendre par la balade mélancolique et musicale proposée par Maxence Cyrin sans trop chercher à en analyser la recette. L’homme n’est finalement pas à prendre au sérieux, l’album s’appelle The Fantaisist – et non »The Artist » (le nom était d’ailleurs déjà pris, je crois) et il est à prendre comme tel, comme une fantaisie de quelqu’un de talent, certes, sans doute surestimé, opportuniste et habile à susciter la passion. Ce qui n’est pas non plus donner à tout le monde.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 12 mars 2012
Label : Eos record / Ekler’o’shock
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