Stef Kamil Carlens n’est plus dans dEUS depuis des lustres, et pourtant chaque fois que je commence une critique d’un de ses albums, je me sens obligé de rappeler que l’Anversois a jadis opéré dans LE groupe belge. Un jour je comprendrai pourquoi je fais ça.
Zita Swoon change de nom en ajoutant group a son patronyme, comme pour marquer le début d’une nouvelle ère musicale faite de géométrie variable. Ce n’est pas pour me déplaire tant je commençais à avoir du mal à suivre avec une réelle envie les sorties blues / folk / pop du musicien toujours très réussies, mais rarement -il faut bien l’avouer avec le passage du temps- pérennes de bout en bout depuis les essais en français chez V2 etc.
A la faveur d’une bourse offerte à Anvers, Carlens part en Afrique à la découverte de la culture mandingue du Burkina Fasso dans un travail de découverte qui n’est pas sans rappeler le projet Mali Music de Damon Albarn. J.’y reviendrai. Il fait la rencontre d’un pays, et de deux musiciens en les personnalités de la chanteuse Awa Démé et Mamadou Diabaté Kibié percussionniste ou joueur de balafon.
Et »la magie opère. Sincèrement. Contrairement à Albarn qui plaquait ses impressions, sa sensibilité ouverte d’occidental dans sa relation intime avec les sonorités africaines (avec réussite), c’est un réel échange qui semble à l’oeuvre entre le musicien flamand et les tenants de la culture griote. Chacun fait la moitié du chemin dans une méditerranée musicale imaginaire. Awa et Mamadou apportent leurs thèmes, leur sens de la parole dans la tradition africaine, Carlens y marie sa connaissance de la pop et du blues.
Les cultures se marient dans un disque hybride qui hésite perpétuellement entre pop/folk et musique du monde, sans qu’il soit jamais possible de trancher. Je classe volontiers l’album dans le premier des deux genres, et c’est pourtant en marge de l’émission world de Le Mouv.’ que j’ai eu l’occasion d’enregistrer une session live pour TV5MONDE (à venir sur le site).
Wait for me adopte les termes généreux de l’amour et de la Vie, universels et intemporels mais pose aussi parfois en mandingue ou anglais les questions de la pauvreté et des rapports nord sud. Véritable pont entre deux, cultures, sans que jamais on puisse réduire l’album à cette seule démarche, c’est en toute simplicité que l’album s’avère une réelle réussite et un retour de Zita Swoon (group) dans mon radar de groupes inspirés.
Wait for me est aussi proche du live que possible, du dire, de la convivialité et du primaire. Prétentieusement parlant, c’est en écoutant le mini concert privé dans une studio sans réelle âme de la maison de Radio France que je me suis rendu compte que la transposition album /live ne souffrait d’aucun chichi ou manque majeur apporté par le travail de studio. Les chansons de Wait for me sont aussi directes qu’elles sont simples, aussi universelles que facilement emportées, par, deux voix qui se répondent en une Babel musicale, une guitare dobro et un balafon transportables. Belles.
Et surtout, surtout, que quelque part entre la nostalgie de réentendre Carlens chanter à l’ancienne en français ou en anglais et mon plaisir de l’écouter au mieux de sa forme je me suis rendu compte que cette nouvelle voix /voie abordée par le musicien semble tellement spontanée plutôt qu’oeuvre de commande, qu’on a l’impression d’assister à un de ces trop rares étincelles vitales dont nous gratifie l’industrie musicale occidentale. Comme une envie de raconter une rencontre plutôt que de calculer un produit musical, de porter un message d’universalité , plutôt qu’une carrière. Je sais ça fait sentencieux. Ca semble tellement évident à l’écoute du disque.
Denis Verloes
Tracklist
Date de sortie: 20 février 2012
Label: Crammed / wagram
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La critique de big blueville