Un des groupes les plus originaux du moment revient avec son troisième album. Forcément une bonne nouvelle a fortiori car avec le temps, Extra Life gère de mieux en mieux sa créativité.
C’est vrai qu’à l’époque de Secular Works, le premier album du groupe en 2009, je m’étais pris Extra Life en pleine poire et le choc avait été violent. Très violent. Leader de ces Américains provocateurs, Charlie Looker avait travaillé avec Glenn Branca et John Zorn, ce qui pouvait laisser augurer que l’on pourrait aller assez loin , dans l’expérimental, le bruitiste, le barré. Et c’était le cas avec une étonnante touche médiévale en plus et des rythmiques math rock. L’ensemble était pour le moins original et créatif mais dans sa volonté de tout nous balancer à la gueule, l’expérience s’avérait quelque peu indigeste avec surtout un premier morceau jugé interminable.
Finalement, il ne fallait pas grand-chose pour que Extra Life devienne un groupe passionnant en reprenant le contrôle de ses idées et en devenant le propre architecte de sa musique. Et par un cheminement progressif, les Américains sont arrivés à ce résultat. Leur précédent EP, Ripped Heart, avait pu nous induire en erreur, les New Yorkais s’essayant à une indie rock cold wave loin de leur style initial. Avec Dream Seeds, Extra Life rentre au bercail mais utilise sa créativité et sa large palette en bonne intelligence.
Réduit à trois et laissant de côté son orchestre de chambre, le groupe commence d’ailleurs son troisième album en douceur : sur no dreams tonight, seul le côté médiéval du groupe surnage dans une quiétude toute relative. Le titre permet d’apprécier posément une ligne de chant extrêmement musicale bien que difficile à suivre dans sa sinuosité. Extra Life met à plat sa musique pour n’envoyer la sauce que plus fort sur le titre suivant. Ou comment passer à la dimension Extra en douceur. Et c’est donc le cas sur Rightous seed puis, Discipline for Edwin : les lignes de chant sont du même accabit (belles et légères) mais la basse martèle, la rythmique gronde ou sonne le tocsin et les structures deviennent totalement alambiquées. Extra Life refait dans le »math hardcore médiéval » – un genre que l’on invente exprès pour eux – et il faut avouer que c’est rudement bien. A coups de synthés analogiques, de guitares préparées (comme on dirait un piano préparé), le trio tisse son univers, à la fois complexe, beau et déroutant.
Mais maintenant, Extra Life sait qu’il convient de laisser respirer l’auditeur et avant d’aborder, les deux morceaux de bravoure du disque (27′ à eux), s’octroie avec First song une vraie accalmie dépouillée avec un Looker en voix de fausset aussi touchant qu’un Anthony and the Johnsons. Après cet arrêt salvateur, le trio repart de plus belle pour un blinded Beast qui rajoute encore une dimension rock progressive avec des parties de synthés qui semblent jouées par Tony Banks de Genesis. Le dernier et rude Ten Year Drop rappelle , ce passé proche de Glenn Branca, un titre totalement déraisonnable entre bruitisme et lyrisme. Ce qui pouvait apparaître comme une épreuve à l’époque de Secular Works est désormais devenu une odyssée riche en rencontre et en affrontement. Visionnaire.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 7 mai 2012
Label / Distributeur : Africantape / Orkhestra International