Richard Hawley a quarante-cinq ans, moi trente-six, et le bonhomme à lunettes nous offre déjà son septième album solo. Le second aussi, si on tient compte des passages plus énergiques de lady’s bridge en 2007 (réalisé après le décès de son papa et en hommage stylistique à son musicien de père), où les cordes, les nappes vaporeuses et la voix de velours qui ont fait sa marque de fabrique ne tiennent pas le rôle principal.
Non parce que Standing at the sky’s edge camoufle ses références au croon des années 50 et 60 pour une fois, derrière un gros gros gros son de guitare, qui divise les amateurs de l’homme à la banane. J’aime beaucoup Richard Hawley, mais je trouvais que le retour au velours de Truelove’s gutter, son précédent album formellement impeccable, était peut-être l’album de trop exploitant les mêmes ficelles de son appétence pour la guitare et le recours à sa voix de gigolo pour »Vraies » femmes pâmées.
Une grosse gratte grasse et ténébreuse, qui rappelle que l’homme a été guitariste pop/rock avant de devenir l’incarnation du chic retro à l’Anglaise. Je sais, je sais, tu penses à Pulp lecteur, toi qui sait que Richard a beaucoup joué les guitaristes additionnels, sur scène pour la bande à Jarvis Cocker… Tu as presque bon. Presque, parce que tu ne sais peut-être pas que le bonhomme a surtout commencé sa carrière en bande, avant de croiser le grand échalas de la pop britannique, dans un groupe à mon avis injustement mésestimé (à l’instar de Marion, Mansun ou Lush) : Longpigs. Un groupe emmené par une tête de pioche de chanteur nommé Crispian Hunt.
Il est amusant de se pencher sur ses méfaits de jeunesse pour constater que le bonhomme était déjà , et est encore, le roi de la nappe de guitare dans laquelle l’air de rien il instille un petit solo. Et je le prouve avec un document trouvé sur Youtube, où le jeune Richard s’adonne à ses solos favoris pour la chaîne TF1 (prononcer Tieffeouane hein)
Ceux d’entre vous qui ont écouté l’album en bas de cette critique avant de la lire, ne peuvent que constater la similitude de jeu qui retransparaît quelques seize années plus tard.
Fin de la querelle naissante: Richard Hawley n’est pas réductible au chic et n’a jamais été uniquement un crooner. Standing at the sky’s edge entend bien le prouver.
Ceci étant, s’agit-il d’un bon album? Moi je trouve que oui. La guitare crisse, grince, rage plus qu’à son tour. J’aime bien que la batterie ait été remontée dans le mix pour augmenter la dualité des sons. J’aime bien que sa voix évoque autant le Richard de velours que les Clash ou… Miossec tiens. Éraillée, ébréchée, rock. Les morceaux foncent billes en tête comme un diablotin à ressort sorti de son emballage. Pour t’évoquer l’ensemble on ne peut que citer Ride dans les anciens, Interpol dans les modernes pour cette approche sombre, et souvent Electrafixion, groupe de rock formé en 1994 par Ian McCulloch et Will Sergeant, membres fondateurs de Echo & the Bunnymen. Oui il sera dit que je te parlerai de plein de groupes mésestimés dans cette critique:
Alors oui parfois Richard Hawley tente le grand écart entre son côté lover cassé et le retour d’une rage juvénile, et ça prend à revers ; quand à Down in the woods succède le doucereux Seek it par exemple. On est surpris et on craint la perte de cohérence, mais comme le bonhomme enchaîne la caresse par trois autres ballades tendres, on se dit alors qu’une autre album commence au titre 5…. mais non… Leave your body behind you revient derrière mettre une petite claque et le final before clôt le disque comme une jolie jonction entre les deux visages du bonhomme. J’imagine la baffe et le rejet que peut provoquer ce genre d’album pour tout qui n’apprécie de Hawley que le versant pento-isé et guitare à ouïe ouverte. C’est clair que ça surprend.
Pour moi le disque est une réussite, même si les morceaux les plus enlevés de l’album manquent d’un titre phare, un morceau au refrain pop qui eût fait la jonction entre tous les visages de Richard Hawley. N’empêche, je suis content de le voir tenter de nouvelles voies et ne pas se laisser enfermer dans un personnage d’éternel amoureux classe. En se créant un nouveau personnage, sorte de Eddie Cochran pour les années 2012, mâtiné de Morrissey, Richard Hawley divise, pose des questions à l’auditeur, et remet son ouvrage sur le métier. Rien que pour ça il mérite une médaille (c’est de saison).
Denis Verloes
Date de sortie: 7 mai 2012
Label: EMI
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La critique de Truelove’s Gutter