On a beaucoup parlé de James Mercer il y a une paire d’années, quand associé à Danger Mouse, le bonhomme s’est évadé des Shins le temps d’un album de Broken Bells à la très bonne tenue. Il apparaît retrospectivementnque ce que le bonhomme a retenu de l’aventure, c’est surtout un grand besoin de liberté. Et pour l’exprimer du mieux possible Mercer à donc décidé d’appliquer ce que j’appelerais la technique Marvel. En effet, après avoir lourdé tout le monde, lui excepté forcément, il »reboote » The Shins avec Joe Plummer, Janet Weiss et Nik Freitas.. C’est du coup avec une formation complètement inédite qu’il réarrange en fonction ce qui selon lui fait la particularité de The Shins par rapport à ses autres projets.
Quels sont ces éléments justement, du point de vue de l’auditeur? Il y a d’abord ce côté rock pop indé, dans une certaine tradition britannique, qui irait de Manic Street Preachers à Teenage Fanclub avec un arrêt par Travis. Une manière de diluer dans la pop un certain spleen généralement propre aux villes post industrielles et au ciel bas. Étrange pour un natif d’Albuquerque (Mais siiiiii la ville de la série Breaking Bad) qui semble ressembler assez peu à l’univers britannique.
Il y a ensuite la capacité de jeter des ponts entre cette tradition pop et l’univers californien des Beach Boys époque Pet Sounds. Un côté étrangement ensoleillé qui fait chatoyer la mélancolie apparente de l’ensemble.
Ceci sont les Shins et j’approuve leur message.
Alors le reboot du groupe repond-t-il à mes attentes en plus de satisfaire, j’imagine, James Mercer qui publie le disque sur son propre label? A vrai dire oui. Mais je dois reconnaître que là galette ne se donne pas à la première écoute. Il faut en effet creuser un peu pour se rendre compte que si les mélodies sont moins immédiates, c’est assurément au profit de la cohérence générale de l’ensemble; percevoir que si la ligne de chant est moins directe c’est pour que l’auditeur puisse profiter plus généreusement de la profondeur classique mais ultra classe des arrangements ciselés qui soutiennent l’album. Il y a là des bidouillages électroniques, des riffs de guitare, des incursions de cuivres, des reverbes, des claviers quasi funk etc. Port of Morrow ce port bien réel qui évoque Sorrow (tristesse) est peut-être de fait la plus subtile distillation de spleen musical de ces derniers mois. Du genre qui caresse comme un adieu plutôt qu’il ne plombe comme un suicide.
Au rayon des ressemblances un peu lointaines quand même, j’ai envie de citer les Teenage Fanclub évoqués déjà plus haut, pour la pop indé chic, James pour la facilité apparente à faire rouler les chansons comme une vague, la FM eighties pour cette capacité de la musique à soutenir une voix qui soudain monte et a besoin d’emphase, Fountains of Wayne pour l’adaptation à l’américaine du mythe britannique de la pop, et mettons Midlake ou Mercury Rev pour le soin apporté au détail des arrangements dans la gestion du spleen.
Port of Morrow est un de ces albums longs en bouche qui procure du plaisir aux oreilles autant qu’au ciboulot. Il ne serait pas étonnant de le voir réapparaître dans mon top de fin d’année. Keane, vous pourriez pas écouter les Shins et arrêter de nous saouler avec votre tristesse adolescente pour midinettes anglaises? Oups pardon c’est sorti tout seul.
Denis Verloes
Tracklist
Date de sortie: 19 mars 2012
Label: Columbia / Sonymusic
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