Dans †œN.’embrassez pas qui vous voulez†, toute la machine oppressante stalinienne est montrée et vécue aux seins même des structures et des instances qui régissent la vie des enfants : la famille et l’école. Un système totalitaire qui s’impose dans les jeunes esprits par une propagande martelée et un contrôle des comportements infantiles.
Durant la projection de †œTout pour lui†, une fiction propagandiste stalinienne, Viktor tente d’embrasser sa camarade de classe et amie Agata. Scandale dans l’école, Viktor est convoqué et cuisiné par le directeur de son école. Il est perçu comme un agitateur, comme une cause perdue comme son père : un écrivain. Pendant que Viktor subit la question, ses camarades eux sont interrogés par leur institutrice : la camarade Maria. Orientant les questions sur les jeux des enfants, celle-ci va vite s’intéresser aux influences occidentales prohibées (des illustrés) qui pervertissent Viktor. Sous peu, ce n’est plus Viktor le coupable mais son père et ses écrits anti-régime.
C.’est une vraie tragédie humaine comme une boule de neige lâchée du haut d’une pente. La machine s’emballe, les mensonges doivent tout recouvrir car chacun sait qu’il a gros à perdre. Mais devant l’injustice, l’oppression et l’instrumentalisation politique d’un simple baiser entre deux enfants, même les adultes les plus dévoués aux régimes se rendent bien compte que cela ne tourne pas rond dans le parti.
Zélés, libertaires, ennemi d’Etat ou enseignant, les adultes sont tous broyés par un système injuste de cet Etat policier et les têtes qui tombent ne sont pas forcément celles qui étaient attendues.
Idéal pour montrer par la petite histoire les horreurs de la grande à un public adolescent, le nouvel album scénarisé par Marzena Sowa continue sur la lancée de l’autre série de l’auteur : †œMarzi†. Située en pleine période stalinienne, l’action est pourtant bien plus sombre et oppressante que la majorité des souvenirs offerts précédemment par Sowa. Enrichi par un dossier sur un voyage en Pologne et une réflexion sur la vérité et l’histoire du pays vue par les générations, †œN.’embrassez pas qui vous voulez† est donc un travail de mémoire sur l’oppression communiste. Cela pourrait être la manière qu’à la scénariste d’expliquer à la nouvelle génération de jeunes Polonais l’Histoire qui les a précédée et aux anciens les erreurs qu’ils ont majoritairement commise en courbant l’échine devant ce régime.
Graphiquement, le dessin de Sandrine Revel est doux, rond et très agréable. Un travail plaisant sur les couleurs renforce l’impression de morosité et de dureté du quotidien des personnages. Des couleurs immondes, ternes et sales en arrière plan, des éclairages faibles, Revel utilise une palette morne avec brio.
Arrivant à alléger le ton dans ses derniers instants et à prendre une direction plus optimiste délivrant un vrai message d’espoir, †œN.’embrassez pas qui vous voulez† est un bon moyen d’initier les plus jeunes lecteurs et les adolescents à l’Histoire du bloc de l’Est.
Stéphane Soulier
N.’embrassez pas qui vous voulez
Scénario : Marzena Sowa
Dessin : Sandrine Revel
Editions Dupuis
104 pages couleurs – 20.50€¬
Parution : 24 août 2012