La grâce dans la simplicité – ou inversement – ne sont pas choses si courantes et méritent d’être saluées à leur juste valeur lorsqu’on les croise. On relève, aussi l’intérêt croissant des side projects alternatifs dans le parcours des groupes indie. De ceux qui constituent bien plus qu’une simple récréation pour les membres de formations en vue, mais surtout l’épanouissement de leur palette musicale un pas de côté hors de leur bulle d’origine.
, À l’instar de Faris Badwan décollant l’étiquette goth de The Horrors avec Cat.’s Eyes, Chris Taylor bidouillant hors de Grizzly Bear dans son projet CANT ou des membres de Tame Impala s’éclatant en liberté sous le nom de Pond, avec Poor Moon et, ce nom emprunté à un titre de Canned Heat, Casey Wescott et Christian Wargo, épaulés de deux acolytes, se sont offert leur propre espace de liberté, parallèlement au brillant parcours des Fleet Foxes, leur groupe d’origine. Et la première chose qu’on leur dira est un sincère « Merci ! » tellement ce recueil de dix chansons à la limpidité céleste est d’ores et déjà le premier ravissement folk de cet automne.
Les jeunes barbus de Poor Moon avaient bien préparé les festivités au printemps avec Illusion, un EP 5 titres où résonnaient déjà les bonnes ondes de leurs mélodies en apesanteur et de leurs délicates harmonies vocales. Un art éminemment peaufiné aux côtés de leur leader Robin Pecknold, mais sans l’aspect pastoral et le côté chantourné développé par les Fleet Foxes. Ici, une apparente simplicité, un tapis de guitares sur lequel s’épanouissent de douces harmonies vocales et une intimité moelleuse digne d’un nuage de coton. Une fraîcheur, voire une candeur, qui ramène aux fondamentaux d’une folk pop intemporelle qui défie fièrement le temps. Comme si Simon & Garfunkel et Crosby Stills Nash & Young tapaient le boeuf avec Kings Of Convenience et Vetiver, les mélopées sans âge de Poor Moon réconcilient les générations, dressant un pont entre le folk des grands anciens et sa relecture contemporaine.
À l’image de Jonathan Wilson l’an dernier, la référence ultime du quatuor semble être l’époque du Laurel Canyon, quand les pointures rock de la fin des sixties vivaient, le Summer Of Love sur la côte Ouest à San Francisco. Rêve d’eden et d’oecuménisme folk rock réactivé dans la joliesse de ballades irréelles (Holiday, Phantom Light) et de pop songs gentiment psyché agrémentées de claviers d’époque (Heaven’s Door, Waiting For) en deuxième partie du disque.
Et reviennent encore ces mots de »grâce » et, « simplicité ». Épure gracieuse de la formule, simplicité mais grande précision des arrangements, parfois baroques,, touchante nudité des voix et remarquable luminosité de ces perles musicales (splendides Bucky Pony et Come Home), auxquels on ajoutera les cinq douceurs précédentes d’Illusion. Comme des berceuses douces-amères à la mélancolie radieuse marquées d’une remarquable honnêteté d’inspiration, ces odes aux heures bleues de la lune ne passent pas quatre chemins mais se logeront tout de suite dans votre coeur.
Franck Rousselot
Poor Moon – Poor Moon (LP) et Illusion (EP)
Label : Bella Union
Date de sortie : 03 septembre 2012