Au-delà même de la prétention du titre – dont on veut bien admettre qu’il faille le voir au moins au deuxième degré – de la laideur des décors et de l’interprétation globalement problématique de l’ensemble des comédiens (Sabine Azéma et Pierre Arditi décrochant assurément la palme du jeu exécrable et ampoulé), c’est bien le dernier projet tout entier du nonagénaire Alain Resnais qui ne semble guère tenir la route. l’exhumation d’un texte ancien de Jean Anouilh (Eurydice datant de 1941) n’arrange sans doute rien à l’affaire tant le style de la pièce parait démodé et suranné. Pour tenter de le ressusciter, le réalisateur des Herbes folles use d’un dispositif certes intéressant et ludique qui malheureusement tourne vite à la répétition (donc à l’ennui) tant très vite il en épuise les rares et attendues possibilités pour transformer le tout en oeuvre destinée aux sourds ou malades d’Alzheimer puisque le rabâchage des mêmes scènes devient la règle d’un jeu pour lequel il est difficile de se passionner, même si on devine aisément les thèmes qu’a voulu aborder Alain Resnais : la mémoire, la mort, l’éternité des textes et la transmission. Plus exactement, serait-on tentés d’écrire, la relève. Celle-ci est assurée par une jeune troupe de théâtre qui livre en miroir sa propre représentation d’Eurydice. Oserons-nous avancer qu’elle est nettement plus réussie et pertinente que les numéros outranciers et cabotins des acteurs invités à la cérémonie posthume organisée par l’auteur de la pièce. Sans doute parce que cette histoire d’amour marquée par le destin et la mort sied davantage à des jeunes gens fougueux qu’à une bande d’interprètes inappropriés à jouer Eurydice et Orphée. On ne marche donc pas à ce jeu poussif et chloroformé qui s’enlise au fur et à mesure que se déroulent les actes.
Patrick Braganti
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Drame français de Alain Resnais
Sortie : 26 septembre 2012
Durée : 01h55
Avec Sabine Azéma, Pierre Arditi, Mathieu Amalric, Lambert Wilson, Anne Consigny