Il serait vraiment dommage de passer à côté de ce disque. Que ce soit pour cause de, livraison discographique pléthorique de cette rentrée ou pour le parfum sans âge qui s’en dégage, pas d’excuses : le troisième album, du néo-zélandais Lawrence Arabia est un scintillant régal de pop classique inspirée.
Une intemporalité qui risquerait à tort de faire passer à la trappe ce Sparrow de grande classe. Car si les précédents opus de ce grand flandrin au physique de dandy Peter O.’Toolien nous avaient un peu échappé (Lawrence Arabia, 2006 et Chant Darling, 2009), il ne faut pas laisser s’envoler celui-ci. Jamais les atours d’un vrai classicisme de production (grand orchestre, piano, cordes) n’ont autant mieux servi l’excellence d’un song writing renvoyant à l’âge d’or d’une pop old style, celle qui illumina les inépuisables années 60.
Cousin du Neil Hannon de Divine Comedy, l’ami James Milne, alias Lawrence Arabia, évoque surtout vocalement un John Lennon de la grande époque pratiquant une pop d’une élégance surannée, plus british que nature, à la séduction immédiate et à l’aspect gentiment déviant. Une bizarrerie logée dans des pizzicati de cordes aigrelettes (The Listening Times), une langueur légèrement décadente (Bicycle Riding), une confortable et paradoxale atmosphère de menace (Early Kneecappings), prenant au gré des neuf morceaux dans sa minutieuse toile sonore un auditeur captif et conquis. Un goût pour, une étrange séduction qui renverra autant à l’art d’un outsider comme Marc Almond qu’à celui de, formations récentes comme The Leisure Society ou Erland & The Carnival, avec un aspect de salon rococo ou de fête bizarre qui surgit parfois (Dessau Rag).
Une élégance et subtilité qui donne l’impression de relire et éclairer d’un regard neuf les grands chapitres d’une pop intemporelle (Beatles, Kinks) et entrevoir surtout les figures des maîtres alternatifs que sont Harry Nilsson, ou l’art sonore d’un Phil Spector en plus cosy, maîtres dont l’influence ne cesse de travailler les jeunes générations de musiciens indépendants.
Entreprise qui ne renouvelle certes pas le langage pop mais témoignant d’un talent évident, avec son air innocent de boîtes à bonbons, The Sparrow abrite de drôles de dragées sucrées-salées, cachant sous un apparent air de sucreries une délicieuse acidité. Qui s’appréciera encore plus quand on signalera l’ultime référence que révèle l’envoûtant Legends de fin, : ce moineau néo-zélandais semble parfois étonnamment s’être abreuvé à la source du légendaire tandem frenchy Serge Gainsbourg-Jean-Claude Vannier dont il ressuscite à l’occasion les vertiges orchestraux et la classe aérienne. Véritable référence, ou illusion sonore de ma part, ? Un plus inattendu qui est en tout cas gage d’un savoureux plaisir supplémentaire.
Franck Rousselot
Lawrence Arabia – The Sparrow
Label : Bella Union
Date de sortie : 13 juillet 2012