Contrairement à ce que sous-entend le titre de, son nouvel album, en voilà un qu’on est content de voir réapparaître. D.’autant qu’après la reformation surprise de Grandaddy pour une série de concerts estivaux et la réédition en grande pompe de l’un des plus beaux disques de la décennie 2000, l’inusable The Sophtware Slump, la parution de Dept. Of Disappearance conclue avec entrain le regain de créativité de Jason Lytle.
Prince des slackers, notre ami barbu est l’étendard de l’indie rock des »mavericks » ces hommes-orchestres cabossés qui, de Wayne Coyne, (Flaming Lips), Jonathan Donahue (Mercury Rev), Mark Everett (Eels), ou Bradford Cox (Deerhunter), ont donné leurs lettres de noblesse à un genre prolixe en embardées rock et spleen existentiel sublimés en ballades dans les étoiles. Depuis la fin de l’aventure collective Grandaddy qui en laissa plus d’un orphelin, le skateur à la voix céleste donnait régulièrement de ses nouvelles, mais l’état des lieux de son inspiration s’affichait plutôt en demi-teintes (un album solo en pilote automatique, l’inégal projet Admiral Radley). On est d’autant plus content de retrouver notre spécialiste de l’indie space pop cosmique à tendance dépressive afficher ici une santé retrouvée.
Même si l’art de Mr Grandaddy consiste depuis toujours à revisiter inlassablement les recoins de sa formule indie rock, que l’auditeur ne s’attende tout de même pas aux hauteurs atteintes sur The Sophtware Slump. Dans ce cru 2012, on est ainsi en terrain plus connu et plus attendu qu’à l’époque des héroîques Crystal Lake ou He’s Simple, He’s Dumb, He’s The Pilot,, son grand oeuvre.
Ceci posé, on aurait tort de ne, pas reconnaître la cohérence de composition et la vraie fluidité de ces nouveaux titres. Avec l’art matois d’un chat paresseux, le maître des lieux a beau afficher une indolence aux airs de routine (à l’image de l’efficace mais simpliste Get Up And Go), et ressortir son armada de claviers vintages désuets et synthés clignotants,, on voyage l’air de rien entre virées orbitales d’une redoutable évidence (Dept. Of Disappearance, Your Final Setting Sun) ou ballades western rétro-futuristes (Hangtown, Willow Wand Willow Wand).
Jusqu’à y dénicher de vraies perles : de beauté mélancolique (Somewhere There’s A Someone destiné à devenir un classique chez les romantiques esseulés), et d’abandon au long cours aux couleurs d’opéra rock électro (Gimme Click Gimme Grid). Pas un hasard, non plus si ce sont les deux titres les plus longs, l’ex-ermite de Modesto ayant toujours développé avec bonheur sur le long format le climat hypnotique de ses dérives galactico-rock.
On a beau après quinze ans être devenu familier de son style bien personnel, force est d’admettre que fréquenter le territoire de ce loner attachant mérite encore le détour. Si on ajoute à cela un son parmi les plus soignés que le gars Jason nous ait proposé (avec clins d’oeil malicieux vers celui d’Electric Light Orchestra),, la perfection sonore des choeurs et la grâce toujours renouvelée de sa voix en apesanteur, opération retour réussi pour notre barbu préféré,, décidément pas, encore prêt à disparaître de nos playlists.
Une virée à prolonger aussi sur l’édition Deluxe, qui propose deux inédits (Flyberbonk et Elko In The Rain) plus deux titres de l’album, Hangtown et Your Final Setting Sun en versions alternatives.
Franck Rousselot
Jason Lytle – Dept. Of Disappearance
Label : Anti / PIAS
Date de sortie : 15 octobre 2012
Site officiel : jasonlytle.com