Halls – Ark

Du prestige et du défaut étroitement mêlés d’avoir attendu très fort un album. Fort de EP quasi parfaits qui dévoilaient un univers sonore intrigant (surtout le beau Fragile EP), le projet Halls de Samuel Howard avait mis depuis, l’an dernier nos oreilles aux aguets et l’annonce de la sortie pour cette rentrée d’un premier album, avec en éclaireur de choix la pop de cathédrale du bluffant single White Chalk, ont attisé, l’attente.

Tout en se demandant si l’indie pop avait déjà  besoin d’un nouveau James Blake, vu leur profil, semblable : même jeunesse, épure électronique, recueillement des compositions et voix aérienne irréelle., Une fois paru l’objet à  la sobre pochette qui rappelle celle de l’album de Mark Hollis, on se penche avec toujours autant d’intérêt, et aussi un peu d’appréhension, sur Ark et les mélopées mélancoliques du jeune anglais où l’électronique le dispute au silence et à  la spiritualité.

Avouons que le décor musical dressé par le prodige du label No Pain In Pop ne manque pas de style et de grandeur. Dépassant le côté »sensation pour hipsters branchés » ou, « dubstep gothique » qui risque d’en agacer certains, on découvre un, tissu subtil de beats électroniques post-dubstep, bruissant de bruits atmosphériques en suspension et nappé de choeurs religieux, sur lequel se pose une voix pure d’archange, celle de Samuel Howard.,  Une empreinte musicale forte qui sonne autant – une fois évacuée l’encombrante référence James Blake ou ses émules S. Carey et John Talabot – comme un mix entre la pop originale d’Owen Pallett (étrange similarité des voix) et une réactivation du son tranchant du trip-hop des 90.’s. Le, tout relu à  la lumière du Eraser épuré de Thom Yorke, disque dont l’influence sonore grandit de jour en jour chez la jeune génération indie.

Avec une production d’horlogerie où chaque élément sonore joue un rôle précis, Ark est de ces objets musicaux à  l’aspect monochrome de loin, dans lesquels il faut s’immerger comme dans un tableau pour les apprécier, : la captivante religiosité de White Chalk aux étonnants changements de rythme, la luminosité nocturne de l’exemplaire Roses For The Dead, la montée en intensité du brillant Shadow Of The Colossus n’en sont que quelques exemples.

Faute de quoi, pour fascinant que soit le dessin une fois achevé le parcours, à  l’écouter distraitement, on risque parfois de trouver l’ensemble à  la fois beau et parfois un peu sage, autant fascinant qu’à  certains moments, trop dilué. Comme trompé par le minimalisme à  la, maîtrise un peu clinique du projet, l’auditeur qui s’aventure chez Samuel Howard se doit de s’abandonner à  la rigueur presque protestante d’un univers secret tenté par le silence et l’abstraction (l’instrumental Holy Communium).

Une démarche nécessaire pour accéder aux richesses d’une musique assez exigeante au fond, qui privilégie l’intime et le dépouillement et dont un aspect charnel plus prononcé aurait sans doute relevé l’intensité, comme en témoigne Shadow Of The Colossus et sa belle pulsation finale de batterie. Si Ark n’est peut-être pas la claque sonore que l’on a eu, le tort d’attendre, ce premier opus révèle la patte musicale d’un artiste qui devrait prendre une belle étoffe au fil des mois à  venir. Et celui qui a dit que les murs n’avaient pas d’oreilles s’est trompé.

Franck Rousselot

HallsArk
Label : No Pain In Pop
Date de sortie : 15 octobre 2012,