Efficace et modeste, telles sont les deux qualités du film, à l’aune de son héros chargé d’exfiltrer six otages américains réfugiés à l’ambassade du Canada à Téhéran en novembre 1979 en plein coeur de la révolution iranienne. En revanche, Argo pèche par son manichéisme appuyé, sa mise en scène qui parie d’abord sur le montage et les mises en parallèle entre la capitale perse et les États-Unis, aussi bien dans les officines de la CIA et des arcanes du pouvoir suprême que dans les studios hollywoodiens où s’organise l’insolite expédition pour aller récupérer les six otages sous couvert de la préparation d’un tournage. Aussi cocasse et culottée qu’elle puisse apparaître, l’opération Argo a réellement eu lieu et ne fut d’ailleurs révélée au grand jour que bien des années plus tard. Ben Affleck, devant et derrière la caméra, tend à oblitérer les enjeux géopolitiques en cours pour transformer son film en un suspense tout à fait haletant et tout entier contenu dans cette interrogation, : les otages et l’agent qui les exfiltre arriveront-ils à embarquer dans l’avion pour Zurich et enfin quitter le territoire de leur enfer, ? Avant d’obtenir la réponse, le réalisateur emploie des artifices dilatoires et surtout appuyés, : un téléphone qui sonne dans le vide parce que celui qui pourrait y répondre est malencontreusement bloqué sur une scène de tournage impossible à interrompre, un bus qui menace de ne pas démarrer sur le tarmac, des réservations d’avion en souffrance, même si on s’aperçoit du coup que les moyens de communication américains sont nettement plus performants que ceux utilisés en Iran, où la transmission d’une photo à l’intérieur de la ville, du quartier général de la police aux contrôleurs de l’aéroport, prend un temps inouî. Film à la gloire de l’Amérique, ce qu’atteste les images finales avec la sempiternelle bannière étoilée en arrière-plan, Argo emprunte aussi beaucoup aux codes de l’écriture des séries télé, : caractérisation des personnages avec quelques éléments teintés de sentimentalisme au sujet de leur vie privée, juxtaposition d’à -pics et de séquences plus planes, multiplication des lieux. C.’est pourquoi n’est-il jamais ennuyeux, et plutôt prenant, mais il glorifie de façon naîve un héroîsme qui parait suranné et inadéquat, faisant de l’ensemble un plaidoyer pro domo parfois maladroit et lourdaud.
Patrick Braganti
Argo
Drame, thriller américain de Ben Affleck
Sortie : 7 novembre 2012
Durée : 01h59
Avec Ben Affleck, Bryan Cranston, John Goodman,…