Irène est bien le genre de groupe qui attaque la musique par la face nord. Un mix (d)étonnant entre jazz et noise, on n’a pas l’habitude d’entendre ça tous les jours. De quoi, pour les plus hardis, devenir fou d’Irène.,
Les Français prennent d’ailleurs un malin plaisir à commencer leur album par une de leurs morceaux le plus ardus : deux saxos à la phrase répétitive et une guitare qui martèle dans une attaque brusque. Irène vous souhaite bel et bien la bienvenue dans un disque hors normes. Ce Bien sûr, c’est le Nek plus ultra pourrait-on dire et, il a valeur de manifeste. Irène sera intransigeant, radical ou ne sera pas…La suite restera donc rêche quant à son contact épidermique, voire piquante comme des erses tendues. Mais le disque va aussi révéler le coeur rougeoyant et vibrant de la musique car s’il ne s’agissait qu’agresser tout ceci serait un peu vain. Sextet commence sur un pointillisme bruitiste où les sons sont à part égales conçus à partir d’un laptop et d’une batterie, électronique et acoustique ensemble dans une même entreprise de déconstruction. Et puis, le miracle ! La musique semble se reformer, à l’instar du pourpre rétinien une fois l’accoutumance à la pénombre faîte. Dans son urgence et sa sauvagerie, Huit exhale malgré tout des harmonies mélancoliques magnifiques – le mot n’est pas trop fort – d’un jazz »pur » (piano et saxo) ; c’est le cas aussi sur Nek où le tempo semble ralenti au point d’entendre martelé chaque coup de caisse claire. Et cela le sera encore plus par la suite.
Que l’on ne se trompe pas : Irène ne fait pas dans le free jazz, il n’y a pas de phrases interminables et tarabiscotées mais plutôt une fluidité mélodique. On s’en rend vraiment compte quand l’espace de quelques morceaux, le groupe se débarrasse de sa rythmique agressive et rend enfin docile sa guitare : S devient dès lors un morceau particulièrement émouvant dans sa simplicité, une vraie BO potentielle pour film délicat. Ordi, opte pour une guitare réverbérée qui semble faire écho à un saxo lunaire…avant que la saturation ne vienne plonger la musique dans le chaos d’ une fin apocalyptique . Car Irène est ainsi fait, le quatuor, non sans une certaine perversion, , montre la , fragilité de cet équilibre harmonique : les mélodies sont bousculées, mises à mal, malmenées ou concassée sur Voiture de sport. Un jazz contrarié par la noise et sur Gant, une noise magnifiée par le jazz – le titre le plus ouvertement rock – et finalement le plus accessible – mais avec un supplément d’âme rajouté par les saxophones., Une musique fin de siècle qui pourtant évoque l’espace d’un choral la musique médiévale – la guitare électrique remplaçant ici le théorbe. Sur Youpix, c’est Ligeti qui semble re-visité, avec les voix d’un Lux Aeterna , remplacées par les saxophones., Irène a vraiment décidé de jeter au feu tous vos repères et dans ce tabula rasa, l’auditeur avance nu et fragile mais finalement heureux.
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Denis Zorgniotti
Date de sortie : 29 octobre 2012
Label : Coax Records / Carton Records
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Irène sur Carton Records