C.’est en baignant leurs planches dans une ambiance film-noir teintée d’horreur et de fantastique qu’Ed Brubaker et Sean Phillips nous proposent de véritablement célébrer et embrasser le mythe de la femme fatale avec » Fatale : La Mort aux Trousses « . Et on ne pouvait rêver meilleures quatre mains pour s’en charger.
Quand Nicolas Lash rencontre Jo aux obsèques de son parrain, il n’a aucune idée que c’est cette même femme dont son parrain était tombé amoureux plus de 60 ans auparavant ; une femme époustouflante qui ne vieillit pas, et qui semble impliquée avec une inquiétante créature qu’elle cherche visiblement à éviter. Cette même femme qui a mené son parrain à la mort.
S.’il s’agissait de créer une nouvelle femme fatale iconique du monde de la BD, alors Sean Philips et Ed Brubaker ont certainement transformé l’essai. Jo est une femme fatale qui correspond parfaitement aux codes du genre, et va même jusqu’à les transcender : elle est incroyablement belle et littéralement obsédante : l’addiction de ses amants semblant tout aussi psychologique que physique. Il est aussi clair qu’elle est dangereuse, corrompue, et qu’elle tisse la toile d’un plan machiavélique autour du héros.
Cependant, on apprend vite qu’elle semble contre son gré liée à ses partenaires d’une manière étrange, et qu’elle est en proie au démon auquel elle tente d’échapper, ce qui rend son personnage beaucoup plus complexe et ambigu. Au jeu du chat et de la souris, rapidement, les positions ne sont plus si évidentes. Est-elle au juste prise au piège de ce plan qu’on la jurerait a certains moments tisser? Est-elle le monstre, ou la victime? Phillips construit ses vignettes avec un rythme de polar entrainant, qui nous laisse au final que peu de temps pour nous décider.
Experts des codes, des emprunts et hommages aux films de genre, le duo nous avait d’abord propulsé au milieu de ripoux mafieux et de super vilains avec une habilité scénaristique impressionnante et une violence toujours excusée par le brio et la profondeur de leur narration. » Fatale : La Mort aux Trousses » plante l’histoire et les personnages avec cette même qualité scénaristique mais on n’en apprendra pas encore suffisamment sur Joséphine dans ce volet-ci. Il faudra attendre les autres tomes pour creuser la complexité annoncée du scénario, et comprendre par exemple la nature du lien entre la créature démoniaque et Joséphine.
Un pur chef d’oeuvre pour les amateurs de bande-dessinée polar, et inconditionnels de Philips et Brubaker.
Fabrice Blanchefort
Fatale : 1. La Mort aux Trousses.
Scénario : Ed Brubaker ; Dessins : Sean Philips
Editeur : Delcourt
127 pages couleurs, 14.95€¬
Parution : Octobre 2012