Les Villagers de Conor O’Brien nous reviennent et une année qui commence avec la nouvelle livraison de la plus belle voix – et plume – de la pop anglaise est un signe encourageant pour ce qui devrait être une excellente année pop.
Un retour qui avait attiré les oreilles avec l’envoi en fin 2012 du single The Waves, vraie bombinette pop où l’art du song writing du petit irlandais se mêlait à l’électro la plus explosive.
On aurait pu s’attendre avec appréhension à ce que le maître des lieux chamboule son art des mélodies à chausse-trapes tissées d’introspection fougueuse, cela-même qui faisait tout le prix du mémorable Becoming A Jackal, une des merveilles de 2010.
Mais si le prodige irlandais à la voix souple a opté pour de visibles changements dans la continuité, il a également tenu à préserver la richesse de ses vignettes folk pop complexes. L’actuel {Awayland} affiche ainsi une couleur lumineuse faite d’énergie et de tension électrique, tout en confirmant le vrai talent du bonhomme.
Une entrée plus immédiate dans l’univers de l’irlandais due à la présence d’un groupe cohérent autour de lui, là où l’épisode précédent aux airs de journal intime le présentait en baladin folk littéraire et introspectif, plus sombre et tourmenté. Un besoin d’ouvrir la fenêtre sur d’autres paysages ressenti par le jeune auteur, momentanément à sec, que l’écriture pour d’autres (Charlotte Gainsbourg) et l’immersion dans des rythmes plus contemporains ont sauvé du vertige de la page blanche.
Ainsi {Awayland}, plus cohérent et plus direct, avec son mix de folk orchestré et d’électro pop, constitue une porte d’entrée plus accessible dans l’imaginaire riche et tortueux d’un song writer perpétuant avec flamme l’art d’un artisanat haut de gamme dont les artistes anglais semblent souvent détenir le secret.
Digne représentant d’une belle lignée britannique qui va du maître Ray Davies à Prefab Sprout en passant par Divine Comedy ou Elbow, le farfadet, irlandais distille avec grâce ses pop songs aux reflets changeants, dont les textes doux-amers ambigus (Passing A Message, Nothing Arrived) épousent avec soin les tours et détours de mélodies sinueuses aux ramifications subtiles dans lesquelles on se perd avec joie (The Bell, Rhythm Composer, The Waves et son réjouissant final apocalyptique).
Les fans de la pureté plus fiévreuse de Becoming A Jackal – dont je fais partie – reprocheront ça et là le caractère « efficace » de ce disque-ci qui n’aura que le seul défaut de trop adoucir parfois les vertiges de son folk mélancolique.
Mais, à la fois nouveau chapitre d’un parcours racé et petit retour aux sources pour celui qui avant l’entité Villagers pratiquait une musique plus éruptive avec son ancien groupe The Immediate, {Awayland} semble d’abord une matière plus directe pour les prestations scéniques enflammées que devrait réserver leur actuelle tournée européenne.
Et, last but not least, ce nouvel opus réserve surtout le plaisir de retrouver l’intensité inchangée de sa voix expressive à la diction d’une précision implacable, de fait LA plus belle de la jeune pop actuelle.
Un atout imparable pour embarquer sans tarder sur les terres pop les plus accueillantes de ce début d’année.
Franck Rousselot
Villagers – {Awayland}
Label : Domino Records
Date de sortie : 14 janvier 2013