Il souffle sur la France musicale un air de dé-ringardisation de la variété française. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je ne suis pas en train de signaler que le nouveau Zazie Lavoine ou Jacques, Obispo vont bientôt recevoir les honneurs de ce magazine, non non… Mais force est de constater qu’après une première génération d’artistes, Miossec et Dominique A en tête, chargés de prouver qu’on peut importer le concept pop Indé dans la langue de Molière, puis une kyrielle d’adorateurs proto copistes, voilà t’y pas que quelques vingtenaires / trentenaires réinventent le concept de la pop song en français, en allant piocher les références dans un abécédaire qui aurait fait rougir jusque il y a peu.
Qu’ils s’appellent Mustang, Aline, Lescop ou aujourd’hui Granville ils explorent chacun une branche POP de l’arbre à chansons françaises, au milieu d’une clairière défrichée par les pionniers de ’94. Tous ont grandi alors que la nouvelle chanson française battait son plein dans les Inrocks et Magic, tous sont encore en âge d’avoir des parents biberonnés à Taxi Girl, Daho, Indochine, Partenaire particulier ou Elli&Jacno. La plupart ont aussi appris à chanter avec leurs parents et grands parents au son des indémodables: Christophe, Cloclo, , Souchon, Gainsbourg, Lio, France Gall et pleins de one hit Wonder yéyé.
Chacun de ces groupes a décidé que dans leur conception de la musique a la française il y avait autant de place pour Pavement, les Cure, les Smiths, Jésus and Mary Chain, Daniel Darc, Bashung que pour Sheila, Richard Anthony, Eddy Mitchell., Et se moquent du qu’en dira-t-on. Enfin presque, puisque chacun de ces groupes arrive à puiser dans la variété autant que dans les »grandes » références indées, les éléments les plus subtils, générationnels, tout en s’absolvant des tics du genre et en les dissolvant au gré de références et d’un son rock méchamment modernes.
Granville les Caennais, sont de cette trempe. Les voiles fait assurément partie des bons disques pop francais de 2013. En rupture de ban avec la Nouvelle Chanson Française, en cure de réhabilitation maline de la variété façon Nostalgie ou RTL2. Ils ont à peine vingt ans, ils ont usé leur baggy et leurs Vans sur les côtes de la Manche et du Cotentin. Et ils font un gros doigt à la recette »indée » en passe de devenir installée chez de vieux trentenaires.
Leur rock un brin sombre façon Sundays, aime à la fois les guitares qui font des nappes sales à la Jesus & Mary Chain,et la voix qui se sert au maximum de la reverbération. Granville aime aussi la fragilité apparente d’une voix féminine en tête, celle de Mélissa, à la Alison Shaw des Cranes sans le côté enfantin, mais qui possède un timbre qui fait sien la fausse ingénuité d’une Françoise Hardy de ce côté de la Manche. On songe aussi un peu à Françoiz Breut si on doit chercher plus près de nous des comparaisons vocales. Inspirées par la Pop rock anglaise de la fin des années 80 plus tout a fait new wave, mais pas encore tout à fait shoegazzer, les plages de Granville ne sont pas , réellement ensoleillées est-on tenté d’écrire a l’écoute d’un album dont la couleur générale évoque l’Instagram plagiste de la pochette.
Subtil mélange d’obscurité musicale et de luminosité juvénile, Granville réussit peut-être avec un peu trop d’unité dans la méthode – ma seule critique- à produire une musique qui a toutes les composantes du yéyé ou de la surf musique, mais se présente devant nous un jour de pluie, un jour de spleen, un jour d’invitation à la romance mélancolique. Une ambiance composée en piochant dans les références pop sans jamais les copier réellement, et toujours en français dans le texte. Et au loin, n’est-ce pas la voiture de Pierrot ce fou au bord de la mer là bas?
Denis Verloes
Tracklist
01. Nancy Sinatra
02. Jersey
03. Robe rouge
04. Polaroîd
05. Le slow
06. Adolescent
07. Crève-coeur
08. Corps perdus
09. Tic boom
10. Jeans troués
11. Macadam
12. Les voiles
Label: EastWest/ Warner
Sortie: 4 février 2012
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