Il ne faut pas espérer ici avoir un regard neuf sur les milieux de l’argent et du pouvoir, enivrés au point de commettre les pires exactions sans le moindre scrupule, trop préoccupés de sauvegarder leurs empires et leurs prérogatives. Le nouveau film de Im Sang-soo, qui peut être vu comme un prolongement quelques années plus tard du précédent The Housemaid, vaut surtout pour sa forme, l’élégance raffinée de sa mise en scène et l’installation d’une atmosphère glaciale sous des dehors policés, extrêmement courtois et sophistiqués. La manipulation et la vengeance sont néanmoins à l’oeuvre dont la principale victime est sans doute le tendre agneau placé au sein de la meute de loups qui le séduisent et le corrompent, espérant aussi en faire un des leurs. Tout ceci est sophistiqué comme la maison d’un luxe inouî, sans faute de goûts, de cette famille surpuissante, dirigée d’une main de fer par une femme sèche et calculatrice, prête à sacrifier les siens. Des toiles d’art contemporain accrochées aux murs jusqu’aux grands crus que les nantis ne semblent jamais cesser de déguster, nous pénétrons dans le monde de l’ultra richesse. Dont au final on trouvera qu’elle est plutôt lisse et ennuyeuse, faute d’instiller dans un scénario assez poussif et attendu des rebondissements et une réelle cruauté. L’ensemble est beau, donc agréable à contempler, comme on feuillette un magazine de décoration dans une salle d’attente ou on regarde une émission sur les maisons de prestige. Mais on peine à saisir pourquoi ces personnes, oisives et assez banales – en tout cas, présentées comme telles – sont à la tête de centaines de milliards. Il manque incontestablement une dimension plus tragique, plus épique pour que nous soyons concernés, fascinés ou indignés par l’affreuse comédie des apparences et de la puissance que les hommes de par le monde entier jouent avec une authentique délectation.
Patrick Braganti
L’Ivresse de l’argent
Drame sud-coréen de Im Sang-soo
Sortie : 23 janvier 2013
Durée : 01h54