Ne pas juger les artistes trop hâtivement, voilà l’enseignement à tirer du second opus des anglais de Wave Machines., Si leur Wave If You Really There de 2009 s’affichait comme un plaisant réservoir de pastilles électro pop rondes et agréables, entre Passion Pit et We Have Band, on ne prédisait pas pour autant un avenir durable au groupe liverpudlien, menacé par le volatile et l’éphémère.
Une réflexion manifestement partagé par leur leader Tim Bruzon qui, conscient des limites du répertoire de son groupe et l’exigence du groupe Clinic en tête, a pris la sage décision d’aiguiller sa formation sur des territoires un peu moins balisés. Poli patiemment en compagnie du producteur indépendant Lexx, Pollen est un objet moins enclin à la consommation rapide et d’un abord plus fuyant.
Non que le groupe y explore des pistes expérimentales ou ardues, mais l’humeur y est manifestement changeante et les cieux pop propices à se couvrir de nuages sombres et saturniens. Une production à la rigueur et au scintillement clinique d’inspiration assez Nigel Godrich, qui se pare autant de chaloupements groovy que de compositions ambitieuses sur fond de sophistication sonore et atmosphérique.
Une densification de leur musique évidente plus l’album se déroule, abandonnant au fil des titres un versant électro funky digne de TV On The Radio ou des new yorkais de Yeasayer (I Hold Loneliness, I.’ll Fit) pour une indie pop atmosphérique plus aventureuse au service de chansons en perpétuelle évolution, pas si loin de discrets mais passionnants artisans sonores tels que Future Islands, Wild Beasts ou Field Music.
Une approche aussi accessible qu’ouvragée au service de textes à l’écoute du grand désordre contemporain (Unwound, Home) remplis de notre inquiétude contemporaine achève de rendre la musique ainsi renouvelée du gang de Tim Bruzon, – dont la voix oscille entre aigus pointus et gravité sourde – pas vraiment comme une réplique britannique de MGMT, qu’on évoque un peu facilement à leur sujet, mais un champ de possibles assez vierge, entre mainstream pop et électro indie magnétique assez voisine de celle des talentueux Seeland.
Un album écartelé entre ces deux versants opposés et pas complètement, accompli mais une étape intéressante qui aurait mérité d’être plus franchement exploitée. Ainsi, le disque aurait gagné à être plus long – dix petits titres, c’est court – et on aurait aimé qu’ils plongent plus largement dans cette noirceur dont les titres les plus réussis (Sitting In A Chair Blinking, Blood Will Roll) révèlent une maîtrise séduisante. Ou dans la douceur nue de valse lente du morceau-titre Pollen, hommage à des ouvriers, morts à la tâche, évident sommet triste de ce deuxième opus, lequel, acquiert une touchante proximité au fur et à mesure des écoutes.
Défaut secondaires qu’ils leur restent à écarter lors de l’étape suivante d’un parcours qui devrait réserver des surprises. En tout cas, ces humaines machines ont toutes les cartes en, main pour.
Franck Rousselot
Wave Machines – Pollen
Label : Neapolitan / Tôt Ou Tard
Date de sortie : 21 janvier 2013
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