Le plaisir des side projects, c’est qu’ils débouchent parfois sur des bonheurs plus entiers que les groupes originaux dont sont issus leurs membres. Une remarque déjà formulée ici mais qui s’applique à ravir au cas de Matt Mondanile. En effet, plusieurs années déjà que l’hyperactif guitariste mène de front les carrières parallèles de ses deux formations, Real Estate, au rayon pop à arpèges et Ducktails, vécu comme un espace plus libre et spontané.
On confessera d’ailleurs une sensible préférence pour celui-ci, qui voit le discret binoclard composer en mode quasi lo-fi avec les moyens du bord de séduisantes bien que débraillées récréations alternant vignettes pop et instrumentaux à la guitare rêveuse, mix inédit de Durutti Column et de pop délicate fragile tendance Sarah Records.
Nouvel et (déjà ) cinquième album du projet, The Flower Lane voit ces deux facettes du grand ado se fondre en un ensemble plus cohérent, alliant pertinence pop et attention nouvelle pour le son. Récemment signé sur le label Domino, épaulé par un groupe ami (Big Troubles), entouré de nombreux invités (Daniel Lopatin d’Oneohtrix Point Never, Madeline Follin de Cults, entre autres) et bénéficiant de la paire vrai studio-vrai producteur, l’étape franchie relève de la volonté de tenter l’ouverture mainstream mais pourrait avoir le risque de noyer la fraîcheur de son indie pop somme tout classique, mais réelle.
Réjouissons-nous, la relative aisance affichée d’aujourd’hui n’a pas rogné le charme de sa pop modeste conçue hier dans un certain état d’insouciance. Voire, dans ce cadre sonore plus carré et soigné qui lorgne vers le soft rock seventies, ses ballades nonchalantes balayées d’arpèges aériens se colorent d’un filtre orange et d’une patine vintage sans âge (Ivy Covered House, Timothy Shy). Renvoyant autant au cocon sonore des Steely Dan qu’à un white funk très eighties tels, Orange Juice ou Scritti Politti, la touche sonore de Flower Lane, flirtant parfois avec un certain kitsch (Under Cover), développe un – mauvais, râleront certains – goût pour une pop cheesy selon les mots de l’intéressé, un marivaudage léger de l’indie pop avec la musique d’ambiance.
Un pas de deux qui évite toutefois de tomber dans la muzak FM, mais relève plutôt la vigueur des compositions du garçon (The Flower Lane) et du coup notre intérêt à son égard., Le tout dans une démarche à rapprocher de celle des derniers albums de Destroyer ou Blood Orange, reprenant les codes et ambiances sonores d’une †˜smoothy.’ pop léchée avec talent et discrets coups de chapeaux (Sedan Magic, hommage évident à la Prefab Sprout touch ou Planet Phrom, reprise des Chills), sans jamais tomber dans la nostalgie inutile.
Disque léger, plaisant à écouter et plutôt lumineux qui témoigne de la connaissance de Mondanile pour tous les courants de la pop, The Flower Lane est un charmant moment. D.’une ampleur relativement modeste (on ne parle pas ici d’un, grand album, on est bien d’accord) et qui ne changera pas les codes de l’indie pop qu’elle soit d’hier ou d’aujourd’hui. Mais une éclaircie dans notre ciel d’hiver, fût-elle fugace, ne peut se refuser par les temps gris qui courent.
Franck Rousselot
Ducktails – The Flower Lane
Label : Domino, / PIAS
Date de sortie : 28 janvier 2013