Si Lisa Leblanc avait chanté en anglais, on aurait pointé son cocktail de folk et de rock brut du côté du nu-folk, et on aurait placé l’auteure compositrice interprète du côté de Adam Green ou Kimya Dawson, puis on aurait comparé sa façon de »taper dedans » à la guitare électroacoustique au banjo ou à la guitare électrique, au jeu jouissif d’un Jack White, fumiste de génie capable de faire du neuf avec du vieux. Puis on aurait trouvé a sa dégaine un je ne sais quoi de Janis Joplin…
Oui mais voilà , Lisa Leblanc a 23 ans, est née à Rosaireville au New-Brunswick, et chante en français avec les intonations locales anglicisantes certes, mais en français dans le texte et du coup ne nous restent comme éléments de comparaison qu’Anaîs (Croze) pour cette manière de mettre le quotidien de jeune femme en chanson ou… Linda Lemay pour la guitare et l’accent. Et très franchement aucune des deux références ne convient. Lisa Leblanc ne joue pas de l’ironie second degré humour / potache apanage de la France quand elle choisit de ne pas assumer son ego ou ses histoires, et il y a un côté anti variété dans le jeu et la rage de Lisa Leblanc qui ne convient pas non plus a la référence.
Et justement c’est ce mélange déroutant du »folk trash » de Lisa Leblanc – l’expression est d’elle – et du plaisir de découvrir le français chanté autrement qui me fait aimer ce premier essai, adulé au Québec, chiffres iTunes à l’appui.
Il y a cette irrévérence de cow girl complètement assumée, cette manière de hurler d’une voix fêlée que »Ptet que demain ça ira mieux mais aujourd’hui ma vie c’est de la marde » et cette façon sans façon d’envoyer du bois de chauffe avec ses instruments à cordes. Inédit.
Il y a le plaisir de voir le français trituré a coup d’expressions autochtones sur lesquelles les oreilles butent comme quand on écoute un album des Cowboys fringants, et attention, cette réflexion n’est pas une remarque pédante de Parisien mais un plaisir de belge expatrié constamment repris pour ses expressions aloglotes. Il y la joie quasi scientifique du prof de littérature qui sommeille en moi, de repérer que la chanteuse pratique une métrique sonore proche des chansons à l’anglaise, plutôt que de subir la tyrannie du vers qui rime…
Un album qui respire bon la jeunesse, la franchise et la spontanéité. Un album à la croisée de plusieurs traditions musicales, mélangées avec évidence et un naturel qui force le respect. Je ne sais pas si l’album dans son homogénéité ne va pas finir par laisser mes oreilles. En attendant que ça arrive, en attendant que je me demande la tournure que va prendre la carrière de la jeune femme avec l’âge et l’obligation de se renouveler sans trahir ses bases, je ne boude pas mon plaisir simple, et multiple à la fois
Denis Verloes
Tracklist
label: Tôt ou tard / Wagram Music
date de sortie: 25 mars 2013
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Ma vie c’est de la marde en live
Et la version »goat » preuve de l’humour de la demoiselle