Un handicapé passe une annonce pour trouver celle qui le dépucellera. Dit crûment, voici le sujet de The Sessions. Mais en dépit d’une fin mélodramatique déplacée, le film arrive à traiter son sujet. Il le fait frontalement mais avec humour et sans tomber dans le scabreux, le voyeurisme ou le niais.
C’est avant tout un corps. Un corps encombrant et bloqué quasiment en permanence dans une poumon d’acier, une sorte de carcan de métal qui lui permet de respirer. Un corps meurtri, victime de la polio à six ans, et qui ressemble désormais à celui d’un Christ supplicié de Mantegna ou du Tintoret. Son propriétaire, Mark O’Brien (joué par John Hawkes, aperçu dans Martha Marcy May Marlene et Winter’s bones), est d’ailleurs très religieux et cette vision christique n’est sans doute pas innocente dans les yeux de Ben Lewin, réalisateur de The Sessions. Car O’Brien a beau avoir un corps, il a aussi un esprit ; O’Brien a beau être très croyant, il a aussi des désirs sexuels. , Et celui qui se perçoit comme un mi-homme a décidé de perdre son pucelage en passant une annonce. The Sessions pose rapidement ses enjeux et cela se , traduit aussi par le contrat passé entre l’handicapé et sa »formatrice ». L’heureuse élue est une professionnelle, , non pas une prostituée , mais une thérapeute spécialiste de l’épanouissement sexuel et elle va apprendre à O’Brien à connaître son corps, celui d’une femme et à vivre le mystère de l’orgasme. Tout cela en six séances au maximum, sans que la vie extérieure de chacun (Cheryl n’est pas censée parler d’elle), leur sentiment respectif (l’amour est proscrit) n’interfèrent dans cette relation entre un patient et un thérapeute. Le sexe en plus.
The Sessions, pratique l’art de la mesure ; un film qui pose, , à l’image du pacte liant Cheryl et Mark et d’ailleurs, tout de suite ses limites et qui n’en fait pas trop. C’est là toute la difficulté du scénario : traiter son sujet sans enjoliver les choses et sans détourner d’un regard pudique ce qui fait le coeur du film. Mais d’un autre côté, ne pas tomber dans le scabreux ou le voyeurisme que pourraient susciter certaines séances entre notre couple d’infortune. De ce côté là , The Sessions réussit son pari de normalité et de simplicité à travers le regard juste de son cinéaste. On peut regretter l’emploi d’une voix-off, un peu clichée, mais pour le reste, Ben Lewin n’est pas homme à en faire trop dans sa mise en scène. Ni vision clinique repoussoir comme Dance me To My song (du compatriote australien de Lewin, Rolf de Heer), ni version édulcorée romantique gnan gnan »hollywoodienne ». Le film ne manque pas non plus d’humour : OBrien a un esprit de moraliste aigre-doux. Il se confie régulièrement non pas à son psy mais à son prêtre (joué par William H.Macy), lui parlant y compris de ses problèmes de sexualité ; ce qui nous vaut quelques scènes gentiment décalé. , On sourit plus qu’on ne rit mais, cette légèreté affichée compense de manière bénéfique la gravité du sujet.
Dans le rôle de Cheryl, Helen Hunt (nomminé aux Oscars pour le rôle) participe au charme qui émane du film. Affichant sa nudité avec naturel, elle incarne cette femme de tous les jours sauvant un homme du désespoir. Avec John Hawkes, elle dessine néanmoins une relation amoureuse en creux, des sentiments qui ne disent pas leur nom (contrat de départ oblige) et qui n’en sont que plus touchants.
The Sessions est donc un film tenu…mais malheureusement pas jusqu’à son terme. Tiré d’une histoire vraie, il se termine dans , un excès , de pathos jusqu’alors absent du film. , Dommage de conclure sur une fausse note.
Denis Zorgniotti
The Sessions
Comédie dramatique américain de Ben Lewin
avec John Hawkes, Helen Hunt, William H. Macy, Moon Bloodgood
Durée : 1h37
Date de sortie : 6 mars 2013