Möbius – Eric Rochant

Dès les premiers plans, »Möbius » abat sa seule et unique carte ; le jeu d’un mystère sourd, intriguant. De magnifiques plans aériens surplombant Monaco au,  son d’un choeur russe met en place le décor, élégamment. Ensuite, une étrange association de formes géométriques dans le cadre pousse le film dans ses,  ultimes retranchements visuels : au bout de cinq minutes, »Möbius » est déjà  arrivé au bout de ses possibilités – assez pauvres donc. La suite tente de,  retrouver le style luxueux de la coproduction d’espionnage géante, avec montage parallèle aux Etats-Unis et en Russie. Dujardin est perdu : diction déjà ,  caricaturée, corps flasque, forcing sur les sourcils tendus, impersonnalité à  l’écran ; comme Gosling dans »Drive » ce ne sont rien de plus que de jolis,  poupons sur le mauvais tournage. Cécile De France, de plus en plus froide et désagréable, interprète l’orgasme avec beaucoup de mérite dans de longues,  séquences de fesses qui nous rappellent qu’il s’agit bien là  d’un film français, mais d’un mauvais ; au nom d’un supposé relâchement esthétique, narratif,,  rythmique, les interminables scènes d’amour ne font rien d’autre que combler l’ossature creuse du film. A la fin dudit acte, Alice dit à  Moîse qu’il a des <<,  bras concrêts >>. On se rappelle soudain l’abîme de dialogue dans lequel est peu à  peu tombé le cinéma français.

Face au genre certes calibré du cinéma,  d’espionnage, »Möbius » a pour seul mérite de vouloir ne pas tout à  fait s’identifier à  ce qui en fait la forme, mais en revanche, en voulant en respecter,  strictement la moelle épinière, la matière même, il se ridiculise et ne parvient pas un instant à  égaler ses modèles. Le scénario inanimé, guidé seul par la,  relation amoureuse de deux acteurs qui ne la font pas circuler, peine à  séduire jusqu’à  ses rocambolesques retournements de situations – répétés de film en,  film. Tim Roth, en homme d’affaires antipathique, finit lui-même par opter pour la facilité ; sourcils froncés, corps élancé, petite boule rageuse et,  frustrée. Il n’y en a que pour Alice et Moîse, couple désincarné dont l’amour fou prête au mieux à  l’indifférence, au pire à  la rigolade. La scène finale,,  accumulant les grossièretés et les incohérences, résume bien la puérilité de ce faux grand-film indigeste et pâteux ; le cinéaste s’accroche coûte que coûte,  à  son sujet déjà  ravagé (Moîse, rongé par la culpabilité, serre Alice dans une ultime étreinte impossible), tué par un budget qui n’aura servi à  rien d’autre,  qu’à  piloter un hélicoptère et à  payer les notes de frais des grands hôtels monégasques.

Il reste du film, et c’est finalement assez rare, la sensation,  d’avoir traversé une série d’images imperméables, sans âme : un hôtel, une boîte de nuit, d’embarassantes scènes d’amour – les plus laides vues depuis un,  moment – , et deux plans sur Skype. Vers la fin du film, un supérieur des services secrets tend son ruban de Möbius et montre à  Dujardin l’implacable,  mécanique du milieu ; au-delà  du symbole infantile de la forme, au-delà  même de la prétention de ce résumé, on comprend le sens du titre mais pas son,  rapport. Et, ayant passivement égaré les molles images du film dans un berceau d’ennui, le spectateur ne voit plus qu’un grand enfant à  moustache jouant à  la,  découverte d’un stupide ruban.

Jean-Baptiste Doulcet

Möbius
Thriller français de Eric Rochant
Sortie : 27 février 2013
Durée : 01h43