En Israël où elle vit, Riff Cohen fait la première partie des Red Hot Chili Peppers; à Paris où elle était de passage en cet hiver 2013 elle fait la première partie de Enrico Macias à l’Olympia. C’est sans doute un détail comme seul sait en réserver la vie en promotion pour une maison de disque, mais pour moi c’est sans doute aussi la meilleure manière de définir la musique de la jeune femme.
Écoutée après avoir lu la bio fournie par Universal, Riff Cohen peut effectivement passer pour la fille cachée d’Enrico : une vingtenaire échevelée née d’une mère ayant vécu en France, avant de rejoindre Israël, Riff Cohen est aussi une chanteuse passée elle-même en France pour parfaire ses études de musique… Une artiste qui dans le titre choisi pour single chante les mérites de la capitale comme en parlerait l’Usbek de Montesquieu dans une lettre persane, sorte aussi de les gens du nord de Enrico pour une nouvelle génération. OK se dit-on, voici une habile manière de mélanger orientalisme, variété et jeunesse électrique. Pourquoi pas d’ailleurs, puisque l’album est franchement électrique et diablement bon.
Et puis, parce qu’on a décidé de faire de cette particularité le thème d’une interview, on rencontre la jeune femme lors de son passage parisien. Et la première chose qu’on découvre en plus d’un minois mutin, c’est que Riff Cohen parle le français comme seconde langue. Une seconde langue maitrisée (j’aimerais parler hébreu comme elle m’a répondu en français), mais une seconde langue tout de même. Une langue de référence dans la tradition familiale, à laquelle Riff accorde à n’en pas douter une importance absolue. Une langue d’art, véhicule de sonorités, et d’une sensualité différente. Riff Cohen chante en français comme tant de groupes français chantent en anglais: pour une musicalité particulière des mots et des tournures, pour le plaisir de laisser courir l’imaginaire musical de l’artiste sur une certaine Histoire de la musique. Une grande histoire qui croise, pour Riff Cohen, la petite histoire familiale: les textes francophones de l’artiste sont piochés dans les cahiers de poésie d’une maman poétesse à ses heures de loisirs. Ils se chargent du coup d’une émotion personnelle convaincante.
Dès lors, on abandonne rapidement l’option »néo-variété » crédible dans laquelle on a failli ranger la chanteuse un peu hâtivement. Le français de Riff Cohen est un outil sonore, chargé de symbolique. Riff Cohen s’en sert dans son rock. Ou plutôt que »rock » (qui pourtant lui sied bien, le perfecto sur les épaules et les lèvres carmin) devrait-on dire dans sa World music au sens premier du terme: une musique capable de synthétiser le rock des Pixies et l’accordéon, le oud de la tradition orientale avec l’orange de Gilbert Bécaud.
Est-elle une sorte de PJ Harvey -époque C’mon Billy– de Jérusalem? Ce ne serait que logique de tenter la comparaison a l’écoute de l’album. Les titres en hébreu et en arabe sont généralement énergiques, rock et chargés d’intensité, portés par la guitare et le oud électrique. Les titres français sont plus sautillant, ou de l’ordre de la poésie mise en musique, démontrant une facette de la personnalité de l’artiste : l’émerveillement encore quasi enfantin.
L’ensemble est à l’image de son auteure : métissé, sûr de ses charmes, un poil présomptueux, fort de sa jeunesse, melting pot de traditions et de cultures musicales diverses. Facile d’accès mais jamais simpliste. Plaisant mais jamais neuneu. Un brin rêveur aussi…
Denis Verloes
Tracklist
Label: AZ / Universal
Date de sortie: 19 novembre 2012
Plus+
Sa page facebook
Le site officiel
L’interview audio