En 2006 dans les pages numériques de ce même magazine, je découvrais l’album éponyme de Babx. J’en disais le bien que j’en pensais: mélange détonant entre chanson/phrasé rap/ et jazz orchestral. Et le mal aussi un peu: plus de promesses que de réussite réelle.
Tandis que l’homme était resté un peu en retrait ces dernières années, -écrivant pour Julien Doré, Camélia Jordana et Raphaële Lannadére (L) interprètes en faveur de qui il a composé et parfois aussi partagé beaucoup d’amour-; six ans plus tard me revoici attelé à la critique d’un nouvel album de Babx.
Et en six ans, la formule a eu le temps de mûrir -confirmant les germes encore latents sur l’album au nom de l’artiste, mais aussi changeant radicalement d’atmosphère générale-. Si l’album où j’ai découvert Babx avait »un petit quelque chose de St Germain » un poil intello, un poil classieux; son nouvel essai vise une place de choix dans la »pop » à la française. Et bille en tête encore bien. Exit la volonté de s’exprimer uniquement par le truchement du classieux, du jazz, du chic; bienvenue au rock mixte fait de guitares amplifiées et de bidouilles électroniques. Exit le chant en retrait -et merci maman prof de chant- à l’aube de la trentaine Babx assume et use de sa voix pour tracer sa voie (OK celle là était facile).
L’atmosphère du disque, composé pour l’essentiel en 2012, est un brin désabusée sinon franchement sombre. Mais jamais dépressive, puisque sauvée par un certain cynisme. Babx flirte aussi avec la chanson engagée sans y tomber jamais totalement, lui préférant un regard de chroniqueur du quotidien, à la Smiths, à la Pulp. On y parle d’amours déchues ou contrariées par une éruption volcanique islandaise. On y évoque les prédictions Mayas qui ne changent pas l’avenir. On aborde la condition féminine sous un tchador dans ce qui est le morceau le plus immédiat du disque, ou comment on vit une révolution quand on est dans la peau du tyran. Ou dans celle de sa vénale compagne.
Parfois, chez d’autres, ce genre de thèmes implique un ton pompeux, pompant, ou bien des formules sentant bon le Bernardhenrylevysme prétendument de bon alloi. Babx passe l’obstacle tel un Jappelou dressé pour l’exercice. Les sentences sont évidentes, le français: naturel. à‡a fait du bien. Babx manie le cheval de la pop et le fait trotter à la façon de la »grande chanson française » de Ferré et Nougarro, contemporaine.
Musicalement Babx dessine un triangle. Il y a d’un côté l’héritage sans doute inconscient du Noir Désir du tournant du siècle. Le mélange guitare électrique + similitude vocale sans doute. Il y a quelque chose du des visages des figures de la bande à Cantat dans drones personnels, dans la réussite du mélange rock + bidouille électronique aussi. Ils ne sont pas légion en France a briller ou avoir briller dans le genre (Diabologum? Fauve?).
La deuxième droite du territoire musical tracé par Babx s’arrête au créatures de Katerine. Il y a cette manière d’intérioriser le jazz et les années piano bar de Gainsbourg, en des chansons faussement naîves emportées par un piano, des cuivres ou un gimmick simple . Dans cette capacité a se servir des codes de l’easy listening, dont les choeurs féminins, pour évoquer des petits sentiments personnels érigeables en généralités éternelles.
La troisième droite, qui referme le polygone musical de l’univers de Babx est dessiné à la peinture à l’huile de toute la tradition »chanson » à laquelle on sait que le bonhomme voue une admiration sans borne. La chanson sensée, la phrase qui parle pour dire quelque chose et le spoken word de Ferré en tête, mais on pourrait évoquer aussi Barbara sans trop se planter.
Ainsi est drone personnel. Un triangle d’influences de la tradition pop française au travers duquel le cavalier aguerri mène sa monture sonore et sa voix dressée. Pas un chef d’oeuvre absolu non, je soupçonne, que mon plaisir d’écoute va s’émousser avec le temps, mais un territoire musical original au milieu d’une époque où la pop française cherche plutôt a se réconcilier avec les icônes des années 60 a 80 en déringardisant au passage le »hit parade » des radios de l’époque.
En allant chercher plutôt au début de ce siècle ses références majeures tout en étant capable de les agencer selon une géométrie personnelle qui ne doit plus grand chose à ses premiers essais -sinon la maîtrise de la musique (solfège, arrangements)- Babx fait la preuve par l’exemple qu’il appartient aux artistes auteurs compositeurs interprètes hexagonaux qui »comptent » dans le paysage indé de 2013. Et l’auditeur, moi, de ne pas bouder mon plaisir actuel.
Denis Verloes
Tracklist
Label: Cinq7 / Wagram
Date de sortie: 11 mars 2013
Babx est en concert à l’EMB Sannois vendredi 12 avril à 20h30 !
Il reste des places alors foncez : 01 39 80 01 39 ! On vous attend avec impatience !
FB : https://www.facebook.com/events/340334172753210/