Pour les profanes (dont je suis), les rites de la religion juive orthodoxe relèvent du mystère et d’une incompréhension qui n’est pas loin, il faut l’avouer, du rejet, sinon de l’opprobre. Ce qu’on voit ici, le dilemme moral et physique d’une jeune femme mise dans une situation ubuesque et rocambolesque, ne prédispose certes pas à plus de tolérance et d’ouverture d’esprit. La position de la femme au sein de la communauté hassidique semble bien se résumer à l’objet de tractations en vue de mariages où la place de l’amour, donc du coeur, est réduite à la portion congrue. Et si d’aventure il y a interférence du désir, fût-il trouble et mal dégrossi, les choses peuvent se compliquer pour Shira prise en quelque sorte entre le marteau et l’enclume, entre les manoeuvres de sa mère (qui agit d’abord pour son propre compte de récente grand-mère s’accaparant son petit-fils) et l’attirance inédite pour son beau-frère nouvellement veuf. Pas facile pour Shira de choisir, tiraillée entre le respect des préceptes, l’autorité conjuguée du grand rabbin et des parents, et l’attitude rigide de Yochay qui s’évertue insidieusement à la pousser dans ses retranchements. L’atmosphère générale du film n’est donc pas à la fête. Ici tout est raide et engoncé dans des traditions et des rites auxquels il n’est pas envisageable de se soustraire, donnant ainsi l’impression d’être transporté dans des temps anciens et révolus – impression renforcée par l’austérité des lieux souvent sombres et des vêtements. Derrière ces façades rigoureuses et hermétiques, où les cris et les débordements ne sont pas non plus la règle, il est malaisé de percevoir la jeunesse et la fougue amoureuse qui y est habituellement associée. On en ressort davantage ennuyés et circonspects que conquis, même si ce premier long-métrage révèle indubitablement des talents de mise en scène et de construction du récit.
Patrick Braganti
Le Coeur a ses raisons
Drame israélien de Rama Burshtein
Sortie : 1er mai 2013
Durée : 01h30