l’heure a sonné, voilà enfin sorti cet album attendu plus de raison depuis qu’un jour de ce morne hiver, les accents, épiques , du single Good Remake ont résonné, allumant la mèche qui allait mettre le feu à notre attente fiévreuse. Deux ans que le parisien Axel Monneau, musicien impliqué dans diverses formations (Centenaire, Snark), travaillait d’arrache-pied à l’élaboration de Super Forma, troisième album de son projet principal, Orval Carlos Sibelius.
Domestiquant l’aspect sauvage de son laboratoire musical aux racines 70’s, ce disque au son spatial aux allures de voyage interstellaire dévoile une vraie dimension de galaxie pop, affichant une ambition en fait plutôt rare sur le territoire français. Avec son utopie rétro-futuriste, Orval Carlos Sibelius semble vouloir abolir le temps et l’espace et faire se rencontrer les mille facettes du rock, la pop céleste des Beach Boys avec l’onirisme psyché de Syd Barrett autant que la pop mutante des brésiliens d’Os Mutantes avec le rock sous psychotropes de Primal Scream.
Une ambition de cathédrale pop nourrie de mille références, d’une richesse étourdissante qui peut aussi offrir le risque de vite verser dans le name dropping, défaut dans lequel tombe déjà souvent tout seul l’auteur de ces lignes.
Tenté de se frayer son chemin dans sa musique aux multiples métamorphoses, le mélomane pourra vite accumuler les références et se transformer en érudit rock, jeu aussi passionnant qu’en fait plutôt stérile. Car Super Forma, une fois atteint sa vitesse de croisière sur son troisième titre, s’il suscite les échos de dizaines d’artistes qui ont illuminé la galaxie rock, révèle assez vite sa dimension de labyrinthe ensorcelé.
Où l’auditeur accepte, après avoir voulu reconnaître le décor -« Oh, les B.52.’s jouant avec Tame Impala et MGMT« (Asteroids) -« Ah, les Beatles rencontrant Led Zeppelin et Ali Farka Touré » (Spinning Round) – plus ce diable d.’Orval abandonne les formats pop classiques au profit de longues digressions à tiroirs à l’intérieur d’un même titre, plus originales, d’enfin se laisser porter par les singuliers paysages mutants croisés.
Résonnant autant d’effluves folk, psyché pop, BO de films,, ethno tribale ou tropicalisme brésilien que dessinant les méandres d’un cerveau en arborescence, Super Forma refuse le cloisonnement, perdant délibérément l’auditeur dans la longueur dédaléenne de morceaux-monstres. Une leçon retenue du vieux rock progressif, une des influences assumées avec courage de la musique bordéliquement barrée du parisien.
Déroulant une suite de tableaux aussi séduisants qu’étranges (culminant sur le diabolique trio Super Data/Cafuron/Archipel Celesta, au goût de Flaming Lips, mâtiné de Black Sabbath et BO de giallo italien), ce disque-univers perd son côté encyclopédique pour faire flamber son envie d’infini. Dernières étapes, la puissante Good Remake aux airs de Beach Boys produits par les Spacemen 3 et enfin les quatorze minutes du génial morceau caché Burundi (l’Afrique du Nord de Tinariwen revue par Caribou) achèvent de parfaire la séduction de ce puzzle aux mille humeurs.
Une fois dépassé le sentiment de trop-plein qu’elle peut provoquer, la folle virée de Super Forma a le parfum d’une drogue aux vertus paradoxales. Qui donne à la fois, par ses mille évocations, envie de farfouiller avec avidité dans les contre-allées de l’histoire de la musique. Mais aussi le plaisir de lâcher prise en s’abandonnant simplement à ses vagues refluantes. À chacun de se faire son méga film. En (S)super (F)format.
* Pas réussi à , éviter ma manie du, , « name dropping ». Mais pour ceux qui le souhaitent, vous êtes invités à ajouter votre liste de références musicales dans les commentaires.
Franck Rousselot
Orval Carlos Sibelius, – Super Forma
Label : Clapping Music
Date de sortie : 22 mai 2013