Très chers, à l’heure du passage à une saison estivale pour l’instant frileuse, et plutôt que de vous vautrer sur votre canapé à mater de vos yeux torves des vélos gravissant avec peine les cols pyrénéens, pourquoi ne pas vous plonger dans La Campagne De France – et non pas son Tour ?
Rattrapage nécessaire (6 mois après sa parution) en forme d’éclat de rire permanent pour ce deuxième opus de son auteur cocasse, soit le road-movie improbable de vieux touristes basques sur les chemins de l’Histoire franco-allemande. Programme alléchant pour cette agence de voyages proche du dépôt de bilan : la France historique et littéraire de St jean-de-Luz à Bergues, soit le patrimoine hexagonal de Mérimée à Dany Boon. De l’érudition aux accents de people, une association de retraités qui a choisi ce thème n’en a visiblement gardé que le dernier item. Ce qui vaudra aux deux organisateurs du périple, Otto et Alexandre, de connaître des péripéties dignes des plus grandes comédies-terroir.
De Lalumière, nous gardions un Front Russe léger et cynique, parodiant jusqu’à l’absurde hilarant les aléas d’une fonction publique française pour le moins fragile. Et le héros, Pierre Richard moderne, de buter tel un frêle moustique contre les murs d’une Administration ubuesque. Sur ce deuxième tir réussi, l’ubuesque réside dans les situations générées par les vieux drilles en totale inadéquation avec l’esprit du voyage organisé et décidé en amont. La culture contre la masse, les dérives classiques entraînant toujours des quiproquos savoureux. l’auteur le sait, l’auteur est fort, l’auteur en joue. Ceux qui le découvrent vont se réjouir, les fans aussi, mais peut-être moins – moins de surprise, plus de facilité.
Difficile d’énumérer tous les délicieux passages d’un livre égrenant avec un peu de causticité et beaucoup de douceur les univers plus ou moins étriqués de la France »cul-turelle » face à la France profonde, celle des petites gens, des aires d’autoroute et de la téléréalité. Et de chaque côté, des personnages forts, contrariés, contrariants. Mais des gens qu’on aime. Et que l’auteur, dans sa grande force et sagesse, aime aussi. Et c’est pour cela que La Campagne de France ne cède jamais aux facilités des livres actuels toujours distants et parfois méprisants : c’est un vrai roman humaniste.
Jean-François Lahorgue
La Campagne de France, de Jean-Claude Lalumière
Editeru : Le Dilettante,
285 pages, 18 €¬ environ
Date de parution : janvier 2013