Le barbu australien à la voix de velours, revient avec un album de reprises (de Witney Houston à Radiohead en passant par Neil Young). Beau mais ennuyeux sur la longueur.
Les qualités de Scott Matthew sont pour le moins connues. A une jolie écriture folk ciselée avec goût, s’ajoute une de ces voix, trahissant une sensibilité à fleur qui pourrait vous tirer une larme à la seule lecture du bottin. Le bonhomme pourrait apparaître ainsi comme un Anthony and The Johnsons de l’hémisphère sud ; les deux, chanteurs ayant aussi en commun – revers de la médaille – d’en faire souvent trop dans le larmoyant, gâchant en partie l’impact émotionnel de leur musique. A l’heure du quatrième album, Matthew choisit de s’attaquer à un des, exercices de style du songwriter qui a des, lettres : l’album de reprises. L’occasion d’affirmer différentes filiations, de surprendre son auditorat voire prendre quelques risques. Unlearned réaffirme ce que l’on savait déjà : les qualités et les défauts de l’Australien perdure, même si l’épanchement et les afféteries vocales sont plus sobrement distillés dans Unlearned qu’ils ne l’étaient dans Gallantry’s Favorite Son. Le tracklisting, du disque, c’est-à -dire les titres que Scott Matthew a précisément choisi de reprendre, fait dans le grand écart, quatorze morceaux qui en disent finalement beaucoup sur l’Australien. Des amours de jeunesse plus indie rock (Darklands de Jesus and Mary, Chain – une des réussites du disque – Love will tears us apart de Joy Division – qui a déjà été mis à toutes les sauces), des modèles indépassables (Harvest Moon de Neil Young ; Help make, it through the night autre classique de Kris Kristofferson ultra repris ou Annie’ song de, , John Denver, célébré en son temps par Mark Kozelek). La reprise de L.O.V.E. immortalisée par Nat King Cole montre bien que Scott Matthew aime à la fois les crooners et la blackmusic. D’ailleurs, avec son physique de plus en plus christique et son interprétation à la sensibilité soul, on, le verrait presque faire un album entier de gospel. Ce n’est pas (encore) d’actualité et dans Unlearned, Matthew fait, au passage, un petit clin d’oeil à son complice Steve Cobrin (de son groupe Elva Snow), en reprenant un titre de Morrissey (there’s a place in hell ofr me and my friends), le musicien Anglais a lui-même était collaborateur de l’ex-chanteur des Smiths.
Tout ceci est bien propret, parfaitement interprété, porteur de vrais moments de grâce (Love will tears us apart donne encore des frissons)., Mais en dépit des nuances apportées aux arrangements des morceaux (là un peu d’orgue, là un peu, de cordes, là un peu de violoncelle, là un peu d’accordéon…), on a l’impression que le disque reste invariablement, dans une même énergie (fortement ralentie) et une même essence musicale (de bois, matière préférée du folkeux avec guitare acoustique et piano réglementaires). Même si Neil Hannon vient chanter sur Smile, le classique de Chaplin ; même si Scott offre à son frère Ian le soin de l’accompagner d’une voix granuleuse sur le titre de Kris Kristofferson (magnifique en soi, là n’est pas le problème), la voix et la vision musicale de Scott Matthew, totalement univoques, mettent un peu tout sur le même plan : Neil Young, Joy Division, Radiohead (pour no surprises…sans surprise), Bee Gees (pour to love somedy) , et Witney Houston, cela devient, à peu de choses près, la même musique. In fine, ce qui était beau devient ennuyeux dans son incapacité à changer et à passer la seconde. Et si la version de Darklands se détache un peu plus du reste, c’est peut-être car les arrangements en sont les plus étoffés. La reprise de I wanna dance to somebody, interprétée par un Withney Houston alors au sommet de sa gloire, peut laisser pour le moins circonspect : on aura du mal à ne pas y voir la volonté de Scott Matthew de jouer le performer, prenant une chanson, pour le moins douteuse quant à sa qualité, pour en faire un morceau, « fréquentable ». L’exercice est, dès lors, un peu vain. A moins que l’Australien n’aime vraiment la, diva, des plateaux télé, tout comme Anthony, Hegarty avouait vouer un culte à Boy Georges. Encore un point qui pourrait, les rapprocher, une dose de kitsch et de mauvais goût. On ne conseillera trop à l’auditeur une écoute fragmentée de Unlearned, histoire de ne pas risquer lassitude et baillement.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 1er juillet 2013
Label /, Distributeur : Glitterhouse records / Differ-ant
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