Yasmine Hamdan est Libanaise. Elle a posé ses valises à Paris à la fin de la première décennie de ce nouveau siècle. A l’époque où, starifiée dans son pays au sein de la formation indé, Soapkills, elle décide de travailler avec Mirwaîs, qui a sans doute en tête d’en faire quelque icône madonnienne orientale. Le succès international reste , mitigé. Yasmine Hamdan ne renonce pourtant pas à élargir le cercle des gens qui deviennent fan de sa musique. C’est d’ailleurs tout le bien que je lui souhaite avec ce nouvel essai.
Et c’est vrai que la demoiselle, qui incarnera son propre rôle dans Only lovers left alive de Jim Jarmusch (avec la chanson HAL disponible sur Ya Nass), a tout d’un diamant ou d’une opale brute à transformer en icône contemporaine, en bijou poli. Une voix sensuelle, profonde, des racines orientales affirmées, une plastique envoûtante et un regard de femme libérée intense qui ferait fondre même le plus refroidi des Norvégiens. Puis Yasmine Hamdan chante en arabe, assumant la part d’exotisme, de volupté, voire d’érotisme contenus dans les arabesques de la langue, tranchant radicalement avec les images d’âpreté et d’actualité difficiles qu’elle véhicule dans nombre d’imaginaires collectifs. Pas étonnant que Jarmusch l’ait intégrée à son histoire de vampires à paraître, elle qui dès les premières notes de musique se transforme en allégorie de la sensualité.
On rentre dans l’univers de Yasmine Hamdan comme on entre dans les univers de Madredeus, Cesaria Evora ou avant elles Oum Kalsoum. On pénètre dans la musique de ces dames par l’angle de l’exotisme, avec l’invitation au voyage de Baudelaire. On se moque de ne pas comprendre un traître mot de ce que ces dames nous racontent.
On se fout un peu, mais ça ne nous déplaît pas non plus tout à fait le savoir, qu’Hamdan en profite pour glisser de ci- de là – des ferments de critique sociale. On s’évade. Puis on sent dans l’intensité de sa voix, dans la manière de poser le chant: toujours intense, parfois caressant, parfois envoûtant, qu’on est en train de découvrir un univers complet dans lequel on se laisse porter. Forcément charmant, farouchement charmeur, fondamentalement réjouissant, parce que sentant l’autre, les parfums d’ailleurs, les senteurs du voyage en Orient ainsi est la musique de Hamdan.
Marc Collin (Nouvelle Vague) oeuvre à la production de Ya Nass, ressortie de l’album paru en 2012 sous le seul titre de Yasmine Hamdan, où il opérait déjà derrière les manettes. Il y a un an j’étais conquis par les ambiances électro, planantes de Collin le producteur, quand il s’agissait de donner un écrin de satin aux mélodies de la muse. J’y trouvais comme une volonté »d’orientaliser » un genre qui irait de Björk à Hooverphonic mettons. J’étais conquis. Mais la flemme rampante cumulée à mon débordement chronique, m’ont fait oublier la rédaction de la chronique de l’époque.
Un an plus tard, le duo décide de reprendre l’ouvrage initial et de le re »mixer » pour une sortie à visée plus internationale. Ya Nass, , soit l’album éponyme enrichi de quelques titres pour le marché mondial. Ya nass se recentre sur la voix. Essentiellement. C’est la vraie richesse de la chanteuse, Collin et Hamdan se recentrent sur l’organe. Exit donc les quelques défauts de »surproduction » ou plutôt les quelques touches de »surorientalisme » du premier essai. Ya Nass est plus direct, moins exotique. Pourtant ‘aimais bien moi les quelques excès de la première parution. La seconde ne démérite pourtant pas non plus.
C’est ici un genre inventé pour elle seule, quelque part entre Feist et Cat Power mais version libanaise. Hamdan convoque plusieurs idiomes arabes, plusieurs façon de le chanter, reprend des anciens textes du cru et leur donne vie d’une façon qui hésite toujours quelque part aux frontières de l’électronique et de la folk. Avec une préférence pour la folk et la voix pour la version internationale de l’album Ya Nass, là où la balance penchait en faveur du trip hop et de l’électro pour la première édition.
Dans les deux versions de l’album, une constante. Il ne faut pas trois titres, dans cette demi teinte entre la berceuse, la folk et l’électronique, pour qu’on tombe amoureux de Yasmine Hamdan. C’est même un peu gênant d’efficacité.
On en vient à regretter que cet univers musical cinématographique, que cette lascivité qui hésite toujours à se porter sur le chant ou sur son interprète ait trouvé chaussure à son pied en la personne du réalisateur palestinien Elia Suleiman. Sinon je me serais bien proposé pour porter les valises de Yasmine Hamdan, si elle me promettait de continuer à vie à me faire voyager dans toute la méditerranée que je connais mal en me laissant, seulement, en plus goûter au , plaisir de ses yeux.
Denis Verloes
Tracklist
Label: Crammed discs
Date de sortie: 13 avril 2013
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