Avec Yannick Haenel, tout commence toujours lors d’un printemps lumineux et tournoyant où notre héros, en proie à une révolution existentielle, plaque tout dans sa vie et se jette corps et âme dans un » intervalle » lui ouvrant de nouvelles perspectives, lui révélant une nouvelle façon de percevoir le monde, de s’y mouvoir, et de le penser.
Les Renards pâles ne fait pas exception à cette façon dont Yannick Haenel lance ses romans, notamment dans » Evoluer parmi les avalanches » et « Cercle » dont on retrouve d’ailleurs ici – pour notre plus grand bonheur – son protagoniste, Jean Deichel. Toutefois, si Deichel n’était auparavant qu’un employé de bureau qui décide du jour au lendemain de planter son travail et de mener une vie errante dans Paris, en quête d’extases, notre héros nous parait désormais bien plus sombre, radical et révolté.
En effet, la première partie des » Renards pâles » nous fait suivre le parcours de Jean Deichel, alors chômeur vivant d’allocations dans un meublé, et qui se fait mettre dehors par sa propriétaire faute d’avoir payé son loyer. Et cette nouvelle situation, Deichel l’accueille avant tout comme une sorte de libération, comme la possibilité d’enfin larguer les amarres et de se plonger dans sa propre solitude, dans le vide qu’il perçoit en lui et dans lequel il décide de s’engouffrer. Dorénavant, il vivra comme un marginal, dans son vieux break R18, arpentant le XXème Arrondissement de Paris.
Par là , Yannick Haenel poursuit ses descriptions poignantes d’un homme errant dont la vie bascule. Là où le ton change néanmoins, c’est dans la portée politique dont se charge » Les Renards pâles » et que l’on avait déjà découverte dans » Jan Karski » roman historique relatant la vraie vie d’un résistant polonais. Ainsi, » Les Renards pâles » peut légitimement nous apparaître comme une synthèse des écrits de Yannick Haenel.
Car l’intervalle dans lequel se jette Deichel, et la solitude qu’il creuse inlassablement, ne sont que des voies d’accès devant lui permettre de découvrir les signes avant-coureurs d’un mouvement contestataire et révolutionnaire, comme si des milliers d’individus, à son image, abritaient au plus profond d’eux-mêmes un rejet féroce des valeurs capitalistes et de l’idéal sécuritaire brandi par le monde politique et les médias.
» Les Renards pâles » c’est donc le frémissement d’une révolution. Une révolution qui est certes comprise comme une révolte contre l’ordre établi, et Yannick Haenel se réfère en cela à la Commune de Paris ou aux écrits de Karl Marx à ce sujet. Mais une révolution qui doit également s’entendre comme les affrontements perpétuels qui se rejouent dans le cours de l’Histoire, réactivant alors en chacun une mémoire collective qui nous relie aux morts.
Mais si » Les Renards pâles » s’ancre dans des questions historiques, le roman garde malgré tout une portée poétique, voire mystique. Car la figure du » Renard pâle » évoque une divinité africaine, qui n’est pas sans rappeler notre Dionysos occidental: figure animale et rebelle, appelant la destruction et le désordre, dans des rituels collectifs où chacun porte un masque.
Le masque apparaît d’ailleurs comme la clé du roman de Haenel. C.’est l’objet qui permet d’accéder au rite révolutionnaire, mais qui permet également de se cacher et de devenir par là » anonyme » afin de perdre l’identité que la société sécuritaire nous prête pour mieux nous contrôler. Porter le masque, c’est ainsi rejeter cette identité-là , et rejoindre le clan des sans-papiers, des peuples apatrides, nomades, étrangers, indésirables, que la société établie tente d’exploiter ou d’éliminer.
La seconde partie des » Renards pâles » offre donc un récit solennel empreint d’une rage froide, sorte de pamphlet adressé aux gouvernements actuels, et surtout, utopie d’une révolution calme et silencieuse se soulevant contre l’Etat.
François Salmeron
Les Renards pâles, roman de Yannick Haenel
Editions Gallimard
175 pages, 16,90 Euros
Sortie : 22 août 2013
Une première partie trop fabriquée, (j’évite les italiques dont l’auteur abuse). Une suite d’images imitant les promenades d’André Hardellet, les vers de Dimey ou les impressions et atmosphères de Fred Vargas. Même Modiano est mobilisé avec ses noms de rues ou de bar-tabac. Un pot au feu raté de références enfilées tout au long des pages pour essayer de créer une ambiance poétique et mystérieuse. On retrouve même le « Blast » de Manu Larcenet !
Une scène de cul, pour ne pas lasser le lecteur, sans intérêt et sans nécessité, comme un cheveu dans cette tambouille ratée.
Puis viennent les sans-papiers, le groupes révolutionnaire clandestin qui laissent des inscriptions sur les murs (encore Vargas!). Les laborieux efforts du début pour rejouer les Bas-fonds de Paris se noient dans un verbiage inutile, émaillé de prétentieuses précisions sur les Dogons du Mali, ou les démarches à l’OFPRA. Yannick Haenel semble pressé de terminer ce roman dévoré par les clichés, visiblement le Paris mystérieux ne lui a jamais ouvert ses portes et Yannick Haenel se venge!
J’y pense maintenant, ma seule interrogation après avoir fermé ce livre fut :
« Les renards pâles » ont-ils incendié sa voiture et son papyrus fétiche!
Je pense que l’auteur a du se poser la même question !