C.’est en signant sans aucun doute l’une de leurs meilleures acquisitions que Delcourt se charge de réparer un crime infâme. Au fond des tiroirs de DC Comics, ils sont allés s’emparer de »Cinder & Ashe » une mini-série polar publiée en 4 volumes dans les années 80 et bien trop longtemps restée dans l’anonymat, ignorée de nos yeux bleu-blanc-rouge.
Cet anonymat, complet parjure, n’a tout simplement ni queue ni tête »Cinder & Ashe » constitue un véritable tour de force en matière de narration et de style, avec des personnages colorés et attachants et un équilibre action/suspense/psychologie qui frise tout simplement le génie. En bref, l’une de ces BD irréprochables qui agace de ne pas être un énorme classique.
Nous sommes plongés dans les vignettes chaudes de la Louisiane, dans les rues de La Nouvelle-Orléans de la fin des années 70, et l’agence de privés Cinder & Ashe, en mode super-héros des temps modernes, s’occupent de rétablir la justice pour le compte de la veuve et de l’orphelin. Et quel couple de privés atypique ! Cinder, tout d’abord, plantureuse métisse amérasienne aux cheveux roux comme la braise (en anglais dans le texte : Cinder) a un passé traumatique et un CV de délinquante. Jacob Ashe, ancien soldat vétéran de la guerre au Vietnam a, quant à lui, ses blessures de guerre et la mort de son père à panser. Alors que leur dernière affaire ramène sur le devant de la scène un homme qu’ils pensaient tous deux avoir laissé pour mort au Vietnam – le mafieux qui avait pris l’orpheline Cinder sous son aile dans sa jeunesse avant de la violer – Cinder et Ashe se retrouvent face à leurs démons, et se remémorent leurs traumatismes et les conditions de leur rencontre.
Il y a un style déjà , indéniable, dans »Cinder & Ashe » : un dessin précis et méticuleux qui donne une part belle aux ambiances et une élégance et un style propre aux personnages. Une colorisation pâle vient flatter les vignettes de la guerre du Vietnam ou celles des rues lourdes et humides de la Nouvelle-Orléans.
Cependant, ce qui reste de plus admirable, ce sont les personnages et leur psychologie. C.’est tantôt Ashe, tantôt Cinder qui mène la danse de la narration, et leur voix leur étant tellement propre, il est toujours évident pour le lecteur de savoir qui la conduit. On s’attache aux deux personnages sans vraiment s’en rendre compte, avec un naturel surprenant, au fur et à mesure que l’on comprend les conditions de leur rencontre, bien amenées, traitées, et parfaitement dosées d’un point de vue émotionnel.
En bref, une histoire au fond solide, avec une réelle ambiance et une réelle humanité. Outre le fait de s’imposer si aisément comme un grand exercice de style avec un grand S, »Cinder & Ashe » a de quoi nous réconcilier une fois pour toutes avec le milieu stéréotypé et bien codifié du comics US.
Fabrice Blanchefort
Cinder & Ashe
Scénario : Gerry Conway
Dessins : José Luis Garcia
Editeur : Delcourt
128 pages, 14.95€¬
Parution : Avril 2013