Quelle est la nature de la relation existante entre un artiste et sa discipline ? Une voie salutaire, une ascèse, l’accès à l’absolu ?
Dans son nouveau roman, Léonor de Récondo tente d’apporter un commencement de réponse . Nous sommes en 1505, Michelangelo Buonarroti quitte Rome . Il est bouleversé car il vient de découvrir le corps d’Andrea, jeune moine dont la beauté l’attire, le séduit. Jules II, le pape, lui a commandé les marbres de son tombeau. Michelangelo part donc pour Carrare, pour extraire les meilleurs blocs de marbre et vivre parmi les carriers, ces artistes tout autant qu’ouvriers, pendant près de six mois.
Michelangelo a soif : de beauté, de perfection, d’accomplissement dans l’exécution de son art : le taillage dans le marbre. Il est tout d’abord marqué par une citation d’un livre de Pétrarque offert par Lorenzo de Medici, l’un de ses amis. La compagnie de ce livre, croit-il, l’aidera à résoudre le mystère de la mort de ce moine, ses causes exactes : maladie, épidémie ? Une citation le frappe : » La mort fait l’éloge de la vie comme la nuit celle du jour. »
Michelangelo rêve, beaucoup ; sa vie intérieure fait place à de nombreuses visions, à la fantasmagorie : » Michelangelo dévale le chemin tant il est exalté. l’idée de ces sculptures lui plaît .Il ne doute pas un instant qu’elle soit excellente. (« ) Il faudra trouver les blocs justes et les déshabiller afin qu’apparaissent, dans leur nudité première, les esclaves de la pietra viva. »
Au final , l’artiste semble réconcilier les impératifs de son art avec ses sentiments nourris vis-à -vis de ses proches, les carriers, de son correspondant resté au Vatican , Guido ,avec lequel il échange des correspondances argumentées et passionnées ; il découvre une justification à son art : » Il ne veut plus les entraver de sa maîtrise , ne plus être l’arbitre, simplement dégrossir le marbre afin que s’en échappe le premier souffle . «
Ce roman est écrit dans un style simple, précis ; il laisse parfaitement entrevoir les dilemmes et tourments auxquels les artistes, en tout temps et en tout lieu, sont sujets .Illustration éloquente du statut de l’artiste et de l’omniprésence des questionnements relatifs à la place de l’artiste dans la Cité.
Stéphane Bret
Pietra viva
Roman de Léonor de Récondo
Editeur : Sabine Wespieser
228 pages – 20€¬
Date de parution : Août 2013