Le dernier OVNI du 9ème art nous provient d’Argentine et nous est délivré par les canadiens de La Pastèque. Cette véritable épopée kafkaîenne de Frederico Pazos joue sur les codes du bildungsroman et de l’absurde en transportant son personnage principal à la quête d’une destination inatteignable, et en le confrontant à une galerie d’embûches et de personnages tous les plus surprenants et variés les uns des autres.
Le jeune Paco est en chemin pour Astromburgo où il doit passer l’été comme employé de boulangerie, mais il s’y perd bientôt pour ne jamais trouver le chemin du retour. Au gré de son escapade, la promesse lui est faite à maintes reprises de lui montrer le chemin d’Astromburgo, et si on lui indique parfois l’itinéraire à suivre, il s’y plante immanquablement une nouvelle situation qui l’accapare et le retarde. Rapidement, Astromburgo devient pour Paco comme une sorte d’Eldorado, une destination à l’itinéraire mystérieux et noueux, un lieu presque mythique, qu’il semblerait soudain impossible de retrouver. De page en page, de personnage en personnage, nous sommes plongés dans son voyage étrange et quasi folklorique, jusqu’à ce que Paco se retrouve finalement à la Cité Des Ponts Obsolètes, et tombe au milieu d’un complot qui vise à voler la couronne du Roi tyrannique. Accusé du vol, il s’échappe de justesse de la ville avec les véritables ravisseurs, une drôle de petite bande dont le personnage le plus éloquent est une marionnette de bois, actionné par un homme dont on voit rarement plus haut que le menton, et qui compte aussi un fantôme dans ses rangs. Nous laisserons enfin Paco poursuivre sa même quête, traversant une mer noire d’encre dans l’espoir d’atteindre Astromburgo.
Il y a très certainement dans, « La Cité des Ponts Obsolètes » une influence Kafkaîenne qui n’est pas sans rappeler » l’Amérique » mais Frederico Pazos touche finement à l’idée des rencontres impromptues, hasardeuses, des événements fortuits. Cette idée selon laquelle l’arbitraire des choses aurait une raison d’exister, auquel on n’accorderait peut-être pas suffisamment de crédit. Il apparente certaines de ces rencontres fortuites à des » signaux « . l’oeil avisé notera que Pazos va jusqu’à citer » Nirvana » de Bukowski, avec son voyageur en panne sur sa route pour la Caroline du Nord, et qui a pris le temps d’apprécier sa mésaventure pour l’expérience de vie qu’il fait dans le café où il a trouvé refuge.
Si l’approche de Frederico Pazos n’est pas tout à fait évidente et qu’elle manque cruellement d’émotion, on apprécie son entreprise et sa réflexion, ainsi que son dessin, et sa colorisation si particulière. Pazos et sa » Cité » nous rappellent l’anglais Luke Pearson et son merveilleux » Loin Des Yeux » qui, à son opposé, fait preuve d’une émotion parfaitement dosée au sein d’une approche pourtant similairement conceptuelle.
La Cité Des Ponts Obsolètes
Scénario & dessin : Frederico Pazos
Éditeur : Les Éditions de la Pastèque
144 pages- 21,40€¬
Parution: Août 2013