Le Démantèlement – Sébastien Pilote

afficheClassicisme assumé pour ce très joli film qui parvient toujours à  garder la bonne distance sans verser dans le pathos ni dans le portrait à  charge d’un éleveur de moutons, solitaire et taiseux, qui décide de procéder au démantèlement de ses biens (ferme, troupeaux, matériel) pour venir en aide à  une de ses deux filles. Le film n’est jamais manichéen puisque la ferme de Gaby est tour à  tour considérée comme un espace de liberté (en dépit de la somme de travaux et de contraintes qu’elle représente) et comme une prison dans laquelle l’exploitant s’est en quelque sorte retranché, séparé de ses frères et de sa femme, entretenant des liens distendus avec sa deuxième fille Frédérique partie faire du théâtre à  Montréal.

La peinture du milieu rural composé essentiellement d’hommes dans la force de l’âge, roués et observateurs, plus solitaires que réellement solidaires, à  l’affût des ventes aux enchères pour acquérir à  moindre coût les biens d’un collègue est particulièrement réussie. Une galerie de trognes renfrognées sous les mêmes casquettes à  visières, à  l’esprit pratique et terrien. Le silence de Gaby cache mal sa pudeur et son orgueil blessé d’en arriver là , de quitter des paysages idylliques (la photographie et la lumière du film très soignées) pour prendre un minuscule appartement près d’une route bruyante. Ses yeux doux et interrogateurs parlent davantage qui révèlent son désarroi et son sentiment d’échec et de mauvais choix. Le comédien Gabriel Arcand joue dans la modestie et l’intériorisation le rôle d’un fermier qui symbolise aussi la fin d’une époque comme les difficultés rencontrées par ses pairs et lui-même dans l’exercice d’un métier prenant à  tous les sens du terme. Le film distille un pessimisme tenace et une atmosphère crépusculaire malgré le rougeoiement incandescent des landes et des prairies.

Patrick Braganti

3_5

Le Démantèlement
Drame canadien de Sébastien Pilote
Sortie : 4 décembre 2013
Durée : 01h52