Une suite de textes sobres, dépouillés, minimalistes, construits avec des phrases courtes, parfois très courtes, une prose contemporaine qui décrit un monde qui pourrait se situer entre la décadence que nous connaissons actuellement et le grand cataclysme volodinien, celui qu’il décrit notamment sous la plume de Lutz Bassmann. Un monde totalement » virtualisé » une société technocratisée, une organisation sociale absurde qui ne repose sur aucun objectif et qui ne prend jamais en considération, celui qui est toujours absent, » Le Grand Absent » l’homme en tant qu’être humain, qu’animal doté de l’intelligence et de la sensibilité. Cet » absent » que Laurent Graff dépeint sous les traits d’un robot, d’un père parti, de l’autre inexistant pour apporter une réponse, d’êtres vidés de toute volonté, asservis, esclaves de procédures mécaniques. Le récit ne comporte aucun dialogue, l’être est seul pour exécuter machinalement la vie qu’on lui a assignée.
Un texte totalement désespéré même s’il peut paraître guilleret, léger et ironique. » Quand on quitte. Il y a peut-être un avant. Pas d’ailleurs, on le sait. Peut-être un point de départ. Une origine. Un carrefour, un embranchement. On en rêve comme d’un pays « . Le » Grand Absent » a gommé le futur, l’individu qui n’est plus l’humain, a accepté définitivement la domination de la technique et de la technocratie, « . Une extrapolation, peut-être pas si outrancière qu’il peut le paraître, de notre monde actuel et de son évolution qui voit le sens de l’existence, le bon sens, la raison d’être, le but, l’objectif s’effilocher devant la méthode, l’optimisation et tout ce qui concourt à meilleur rendement. » Les choses sont définies par une nature et par une fonction. Les remettre en question par une attitude contrevenante est dommageable pour la cohésion générale « .
On peut aussi lire ce petit recueil de textes comme un pamphlet destiné à tous ceux qui ont perdu la force de se rebeller, de se rebiffer, d’exister par et pour eux-mêmes, à tous ceux qui ont abandonné leur liberté individuelle, leur liberté de penser, leur imagination, leur différence. » Aujourd’hui tous les poètes utilisent une boîte à poésie. De manière générale, la création est devenue assistée « . Un clin d’oeil à tous ceux qui écrivent mécaniquement sans trop se préoccuper du message qu’ils transmettent.
» Plusieurs hypothèses et autant d’histoires. On va dans la queue pour effacer tout ça. Les histoires. On attend et c’est tout. On n’attend rien. La queue c’est l’attente. On est dans l’attente. Dans l’attente de rien. Et c’est tout « . On va dans la queue pour attendre, pour attendre d’arriver dans un monde où l’homme ne serait plus nécessaire, là où il se dévêtit de toute humanité, là où l’être humain n’est plus, n’est plus que le » Grand Absent « .
Denis Billamboz
Grand Absent
Roman de GRAFF Laurent
Editions Le Dilettante
128 pages – 13€¬
Date de parution : 08/01/2014
Nombre de pages : 128