Il est des artistes trop discrets au talent pourtant essentiel. Il est des absences si longues qu’on a pu les croire définitives. Il est aussi des retours si attendus qu’ils peuvent du coup décevoir.
Mais les dieux de ce mois de janvier étant avec nous, Hirundo, quatrième album de Dominique Dalcan, comble haut la main la cruelle absence depuis seize ans de celui qui fut et reste un modèle d’artiste pop français. À mi-chemin exact entre Daho et Dominique A, entre chanson et électro, l’auteur de Cannibale, album pop parfait, opère ici mieux qu’un retour inespéré, osons le mot, une vraie renaissance.
Victoire sur l’indifférence et l’oubli (du métier, du public), sur la dépression et le désir de repli, sur des problèmes graves de santé, voilà la lumineuse déclaration de vie d’un artiste revenu à la vie vibrant de la force inédite du survivant miraculé revenu de l’ombre.
Disque ô combien autobiographique, nourri de tous les gouffres, entrevus – « Je suis là, tu le crois ? » (C’Était Quoi La Question) ou « Je redescends en plaine, je reviens à la vie » (Transhumance) – Hirundo (printemps en japonais) est l’album de la plus complète franchise, affichant une lisibilité évidente, une fougue assumée aux accents parfois bravaches (Un Signe D’Ouverture, La Clope Au Bec).
Et qui se fait carte de visite la plus convaincante de l’art musical subtil de cet auteur dès le début attachant, élégant funambule entre mélodies pop et expérimentations électro que ce pionnier de la french touch s’attacha à réaliser sous l’identité de Snooze entre 1996 et 2005.
Une légère schizophrénie qui fut sans doute un frein à sa carrière de chanteur mais qui s’avère à l’origine de la maturité et l’évidence immédiate de cet album, son plus lumineux à ce jour. Disque d’euphorie pop, truffé de mélodies radieuses aptes à séduire les playlists des radios (Sometimes, À Quoi Pensent Les Oiseaux), tissé de fausse légèreté et de fêlures pudiquement évoquées (C’Est Sans Importance), écrin soyeux doux-amer traversé de son timbre de voix intimiste aux accents fragiles et rayé de zébrures électro planantes (superbes Des Hommes Et Des Lions et Paratonnerre).
Un élégiaque appel à la vie, porteur autant des angoisses éprouvées (« Tu sais moi aussi, je suis comme tout le monde, je mens à moi-même », Un Signe D’Ouverture) que soudaines bouffées de confiance et d’enthousiasme (« C’est comme si un jour tout ce que j’avais en tête redevenait possible », Sometimes). Une traversée des sentiments solaire, fraternelle et salutaire, portée au meilleur par une production musicale impeccable, entre classicisme et modernité.
Une classe qui préside d’ailleurs depuis le début au parcours discographique du grand chauve dont on espère que ce retour sous les feux de la rampe fera découvrir à ceux qui les ignoraient les indispensables premiers chapitres (Entre l’Étoile Et Le Carré / Cannibale / Ostinato).
Pour finir, avouons que Hirundo n’aurait contenu que le titre Transhumance que cela aurait suffi pour en faire mon premier coup de coeur 2014. Tube en puissance, merveille pop pourtant introspective et personnelle (« Je redescends en plaine, je reviens à la vie / Mes trophées m’ont coûté cher / Des plumes et des goudrons / J’irai nager dans, la rivière / J’irai voir au fond »), délicat exercice d’équilibre entre ombre et lumière, tentation de la noirceur et pulsion vitale d’espoir.
Tout l’art précieux de l’ami Dominique Dalcan. … On aime à nouveau le bleu du ciel.
Franck Rousselot
Dominique Dalcan. Hirundo
Label : PIAS / Le Label
Sortie lundi 13 janvier 2013