Krohn Jestram Lippok – Dear Mister Singing Club

krohn-jestram-lippok-dear-mLes deux Tarwater trouvent en Alexander Krohn l’artiste idéal pour les replonger dans l’esprit de Berlin-est. Avec au final, un album encore moins électronique mais ludique.

Bernd Jestram et Robert Lippok ont toujours aimé les collaborations. Les voilà  revenir sous leurs propres noms (et non Tarwater) dans un projet mettant Alexander Krohn, artiste et écrivain, a égalité avec eux. Berlinois, Krohn est originaire de la partie-est de la ville et a joué dans les années 80 dans des groupes punks du quartier de Pankow. Et finalement, ces têtes chercheuses de Jestram et Lippok utilisent ce parcours, cette expérience et cet univers pour emprunter une nouvelle voie, un peu différente des précédentes.

Dear Mister Singing Club est l’album le moins électronique de la paire allemande. Ce n’est pas non plus un album punk ou seulement rock. Même s’il porte en lui les germes d’empêcheur de tourner en rond, ceux-là  même qui s’exprimaient dans le Berlin-Est des artistes dans les années 80. Musicalement, il s’agit là  d’ un album d’inspiration americana (mais chanté en allemand, pour un rendu tout de suite différent) où les mélodies sont joyeusement malmenées. Cela commence, pourtant, avec un titre qui fleure bon le terroir, avec un Krohn chantant d’une voix d’introverti mal léché (Metall). La suite va garder souvent cet esprit proche de Will Oldham, mais tout en maltraitant plus ou moins l’atmosphère bucolique/recueilli de la musique (wann kommst du zurück).

Avec Krohn Jestram Lippok, il n’est pas question de saccage mais d’impertinence. Violon et slide guitare subissent des secousses telluriques et des attaques parasites et Imagine This n’est, dès lors, plus un long fleuve tranquille. C’est sur ce morceau que les Allemands sont le plus destructeur. Car pour le reste, on demeure toujours dans une démarche expérimentale certes, mais surtout dans une version lofi de sales gosses. Avec ses apports minimalistes d’une world facétieuse, Red Nicht umm sinn rum devient une berceuse plus perturbante qu’apaisante. Un esprit instrument-jouet, électro bricolo et percussions enfantines, envahit Ihr Könnt alle bei mir schalfen. Unter Bann ressemble à  du Pixies sur un mode expérimental et lofi. Et Gasherd anzünder évoque la vitalité d’un Weezer là  aussi dans un traitement gai où le kazoo, le métallophone et le melodica ne sont pas exclus (bien au contraire). Ailleurs, la métamorphose d’une folk-rock classique en petites pièces musicales bizarrement fagotées s’opère par l’accumulation de pistes instrumentales et de gimmicks malins, s’assemblant dans un désordre calculé (Der zug am leibe, particulièrement réussi ou Bye Bye Maassalama, proche de Notwist). Dear Mister Singing Club est passé totalement inaperçu à  l’automne, autant essayer de le découvrir cet hiver.

3_5

Denis Zorgniotti

Date de sortie
: 20 octobre 2013
Label : Distillery