Née en 1880 dans l’Alabama, la petite Helen Keller devient aveugle et sourde à l’âge de dix-neuf mois suite à une maladie. Elle se trouve alors dans l’incapacité de communiquer avec son entourage, si ce n’est avec quelques gestes maladroits. Sa vie va être bouleversée l’année de ses six ans, quand ses parents engagent Annie Sullivan comme préceptrice. Elle-même malvoyante, celle-ci a appris à enseigner la langue des signes à l’Institut Perkins pour les aveugles. Elle va prendre en charge l’éducation d’Helen Keller et, au fil des mois, réussir non seulement à établir un contact avec l’enfant, mais aussi lui apprendre la langue des signes, puis l’écriture. Les deux femmes resteront amies à vie »
Il faut savoir que si Helen Keller est quasiment inconnue hors des Etats-Unis, elle fait partie intégrante du panthéon US, célébrée tous les 27 mai lors du » Helen Keller.’s Day » le cinéaste Arthur Penn lui ayant même consacré un film en 1962, » Miracle en Alabama » La BD s’ouvre sur un sauvetage, celui d’une petite fille brillante en train de se noyer dans un océan d’obscurité et de silence, extirpée des profondeurs par une femme rageuse et sans concessions, Annie Sullivan.
Sans esbroufe, Joseph Lambert parvient à faire passer une belle émotion en s’effaçant derrière un minimalisme pudique et respectueux. l’approche graphique du non-visible (incluant l’apprentissage de la langue des signes) est très originale, permettant de nous faire ressentir, nous les voyants, ce que cela signifie que d’être aveugle et sourd à la fois, comme si l’un des deux ne suffisait pas « On pourra reprocher quelques toutes petites incohérences narratives et des couleurs un peu trop basiques, mais l’histoire de ces deux personnages est si prenante que cela passe au second plan.
l’amitié entre Helen Keller et Annie Sullivan, ces deux êtres dont la révolte chevillée au coeur et au corps face aux cruautés de la vie s’est transformée en force, est particulièrement poignante, et il faudrait être handicapé des sentiments pour ne pas verser sa petite larme au moins une fois à la lecture du livre. De plus, leurs souffrances ne s’arrêtent malheureusement pas à leur champ de vision, mais sont provoquées aussi par la vanité et la bêtise des soi-disant voyants : les professeurs de l’institut Perkins firent subir à la jeune Helen un interrogatoire de deux heures à cause d’une stupide histoire de plagiat. C.’est ainsi que l’on se dit que les aveugles (ou les sourds) ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Une belle oeuvre tirée d’une belle histoire, à découvrir.
Laurent Proudhon
Sélection Officielle Angoulême 2014
Sélection Prix de la BD Fnac 2014
Sélection Grand Prix de la Critique 2013
Sélection Trophée BD de la différence 2013
Eisner Award 2013, catégorie Reality-based work
Annie Sullivan & Helen Keller
Scénario & dessin : Joseph Lambert
Titre original : Annie Sullivan and the trials of Helen Keller (États-Unis)
Traduit de l’anglais par Sidonie van Den Dries
Éditions ça & là
96 pages couleur – 22€¬
Parution : 22 octobre 2013