Une enquête policière classique devient le théâtre de l’écroulement d’un paisible village balnéaire : Broadchurch, la dernière série britannique dont on parle, confirme l’excellence de la production télévisuelle d’Outre-Manche. Le choc anglais de 2013.
De plus en plus, les regards des adeptes de séries TV se tournent vers d’autres contrées que les Etats-Unis. Après l’Outre-Atlantique, l’Outre-Manche est en vogue. Skins, Downton Abbey, Luther, Life on Mars, Doctor Who connaissent d’énormes succès, et l’année 2013 confirme l’excellence des productions de chaînes britanniques avec Utopia (chronique à venir prochainement) et donc ce Broadchurch.
Pour cette dernière, c’est sa simplicité apparente, son intrigue somme toute classique et sa progression attendue qui en font une série à la fois pas follement originale et pourtant d’une puissance incontestable. Car tout, dans Broadchurch, est étudié, soigné, millimétré et taillé au couteau aiguisé, de telle manière que le spectateur, lentement pris dans l’enquête initiale, va se retrouvé piégé, accro, et au final bouleversé. Une valse des émotions et des sentiments à la sauce british, acide et nonchalante.
L’intrigue, donc, d’un classicisme au départ suspicieux : Alec Hardy, inspecteur mal vu de ses pairs pour une affaire précédente mal gérée, est dépêché pour épauler la flic de Broadchurch, paisible village touristique côtier, après la découverte du corps d’un garçon de 11 ans sur la plage au pied d’une falaise. Au fil de l’enquête, où tout le village semble finalement suspect, les secrets de famille, de voisinage, de quartiers ou même de sombres histoires révolues vont ressurgir…
Ambiance policière classique, environnement à la Twin Peaks, rebondissements énormes à chaque fin de ces huit épisodes denses, parfaits, et qui amènent progressivement un climax magnifique, laissant un peu exsangue et chamboulé. Car la grande force de cette première saison, c’est de ne pas s’étaler sur des épisodes inutiles, des creux ou des histoires annexes superflues. La radicalité de l’histoire (deux flics, un meurtre, des suspects, point barre), les paysages doux et sombres de ce littoral souvent soumis aux intempéries (magnifiques photo, cadre, et mise en scène), le rythme faussement lent et anxiogène en font une série d’une rare qualité, simple et forte, où tous les acteurs sont au diapason d’une complexité terrible, angoissante, quand plus personne ne se fait confiance, où toute la croyance et le respect qu’on peut mettre sur quelqu’un éclatent d’un coup, et quand plus personne ne ressort indemne de l’ouverture de la boîte de Pandore d’un village…
Déjà en cours d’adaptation aux USA (avec Nick Nolte et Anna Gunn, Miss White de Breaking Bad), bientôt diffusé sur France 2 (et donc inratable), Broadchurch, sans avoir l’air d’y toucher, fait partie des ces « grandes petites séries » qui s’imprime dans votre rétine pour un moment. Un coup de maître.
Jean-François Lahorgue