Jim Yamouridis et sa voix grave reviennent dans un nouvel album à faire passer Leonard Cohen pour un castrat. Crépusculaire et habitée, la ballade de Jim est toujours aussi fréquentable.
Rappelons-le, l’homme a de la bouteille. Pas né de la dernière pluie, il a souvent croisé la route de membres éminents des Bad Seeds (Conway Savage, producteur de plusieurs , disques de The Stream, son groupe ou Warren Ellis avec qui il a collaboré)., Des brillantes lignes biographiques faîtes pour attirer l’auditeur mais aussi rapprocher son univers de celui de Nick Cave, lui-aussi dans une ornière folk ou blues totalement crépusculaire.
Finalement, Jim Yamouridis n’a pas besoin d’artifice ou de détour, on pourrait dire que sa voix parle pour lui et l’auréole d’ une présence aussi forte que Leonard Cohen, Tom Waits ou Mark Lanegan. Et quand l’Australien d’origine grecque chante en français, on lui découvre un accent proche d’Arno, autre forte tête de la musique (sur Mireille, une reprise – dispensable – de Dick Annegarn). Avec Yamouridis, dès qu’il ouvre la bouche, une atmosphère entre chien et loup se dessine, aussitôt. On imagine un pub perdu dans le bush. Ou un homme solitaire marchant dans la lande quand la harpe vient donner une touche britannique à cette ambiance résolument nocturne (Friends there is trouble) …Cette voix fait résonner en nous des images et adoptant une lenteur qui en impose, elle se suffirait presque à elle même (I want you est d’une aridité exemplaire : deux accords de guitares qui tournent et une cymbale qui fait splash). Sur la longueur, c’est moins sûr que le charme opère toujours.
Mais le songwriter a la bonne idée de ne pas se reposer sur ses seules qualités naturelles. Aidé par Seb Martel et Sarah Murcia notamment, il habille dignement ses morceaux ; il le fait d’une manière qui n’est pas neutre. Les arrangements débordent de ce qui se fait habituellement dans la genre blues-folk. La guitare, la batterie et la contrebasse sont bel et bien là . Mais sur cette base terrestre, se rajoutent clarinette, harpe, vibraphone. Tout un monde »hors rock » qui conduit la musique vers de nouveaux horizons et d’autres frémissements. C’est une touche de jazz qui arrive là , un soupçon de musique contemporaine (pensez à Wim Mertens) qui s’immisce dans les interstices. Cela change ainsi irrémédiablement la donne. Même quand le tempo s’accélère, le rapprochant dès lors de PJ Harvey (Body of proof),, cette créativité au niveau de l’instrumentation le singularise de toute référence. Ce qui est intéressant dans, The True Blue Skies, album plus risqué que le précédent Into The Day et vrai miracle d’équilibre,, c’est que la voix caverneuse de Yamouridis ne bouffe pas tout cru ces arrangements subtils et particuliers. Et la réciproque est vraie. Les deux, pourtant forts en goût, vivent dans une vraie paix des braves.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 13 janvier 2013
Label / Distributeur : Microcultures / Modulor
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