Avec une imagerie et une sensibilité époustouflante, le cinéaste Québécois Stéphane Lafleur propose à la Pastèque son premier texte. » Mon Ami Bao » est une nouvelle graphique aussi touchante qu’intelligente sur le thème de la dépression, sublimée par les couleurs pastel de Katty Maurey.
Gisèle au du » gros brouillon de brouillard dans la tête » et d’une voix simple et enfantine, le narrateur parle tour à tour de l’affliction de son amie Gisèle, et de celle de Bao Xishun, homme qui fut jusqu’à peu le plus grand homme du monde. Quel encombrement que ses grandes jambes, un peu comme celui d’avoir » une pomme de terre au fond du ventre qui aurait germé » tout comme celle de Gisèle »Mais il raconte bientôt qu’un jour, Bao fut appelé par des médecins vétérinaires qui tentaient en vain d’extraire des bouts de plastique bien calés au fond des estomacs de deux malheureux dauphins., Seuls les bras exceptionnellement grands de Bao pouvaient aller chercher aussi loin dans l’animal sans qu’il lui en coûte la vie. Qu.’il serait bon d’être Bao un instant, pour de ses grands bras serrer la déprimée Gisèle, et peut-être, peut-être, aller chercher dans les profondeurs acides de son estomac cette pomme de terre qui l’aigrit et la consume de l’intérieur »
Sous la forme d’un nouvelle graphique qui s’apparenterait presque à un album philosophique illustré,, c’est une farandole de belles images et de métaphores efficaces qui danse sous nos yeux. » Mon Ami Bao » est incontestablement l’un de ces albums rares et intelligents qui s’oublieront sans doute en amont des étagères des gros succès libraires, mais que le bédéiste connaisseur et accompli saura découvrir comme une véritable pépite d’or. Avec ce qu’il faut de délicatesse et de simplicité,
Stéphane Lafleur dresse le portrait d’une amitié profonde et d’une triste et touchante impuissance face à un mal aussi difficile à décrire qu’à annihiler. Il y a, dans ces pages qui se succèdent, bien des choses qui dansent et font la ronde sous nos yeux : il y pleut des mots gras, colériques et gribouillés et des phrases à la poésie fleurie (†˜On entend sa parade de déceptions et son vacarme d’impuissance.’). On y voit des nuages gris, des mégots de cigarettes, des pieuvres, des échelles, des dauphins et il y a indubitablement, en marge des pages et en amont des mots, de l’amour à foison.
C.’est sur l’espoir d’un câlin extra-large que se referme » Bao » dans la beauté de l’étreinte d’une illustration chaleureuse et d’une composition humble.
Un texte à ne pas éviter, et à conserver là où il coince magnifiquement, dans l’étroitesse d’une gorge serrée.
Fabrice Blanchefort
Mon Ami Bao
Scénario & dessin : Stéphane Lafleur et Katty Maurey
Éditeur : Les Editions de la Pastèque
104 pages- 19, 70€¬
Parution : Janvier 2014