Lorsque Jocelyne Saucier a promu ce livre dans la médiathèque que je fréquente habituellement, je n’ai pas été conquis par sa présentation, elle ne m’a pas donné envie de lire ce livre que j’ai finalement lu dans le cadre d’une sélection littéraire. Et, là , j’ai découvert une grande et belle histoire d’amour qu’elle nous avait un peu cachée dans son exposé. Elle nous avait abondamment parlé des grands feux qui ont ravagé le nord de l’Ontario entre 1910 et 1925 mais moins des personnages qu’elle a mis en scène. Ce roman est avant tout un formidable roman d’amour et d’espoir, un hymne à la vie, au bonheur.
Ce récit polyphonique est en partie fondé sur des événements qui se sont réellement passé. Lassée de faire, pour des botanistes, des photos de plantes au fond des forêts presque encore vierges du nord de l’Ontario, une photographe part la recherche des derniers survivants des grands feux qui ont ravagé cette région, et notamment d’un certain Ed, Ted, Edward selon les circonstances, qui serait l’un des personnages mythiques ayant survécu, en 1916, à l’incendie de Matheson. Au fond de la forêt elle rencontre deux ermites ayant fui la civilisation pour des raisons diverses qui lui disent qu’Ed, Ted, Edward, est décédé depuis peu. Elle prend ainsi connaissance de cette micro société composée des deux vieillards qui l’ont accueillie et de deux jeunes gens, un planteur de marijuana et le gardien d’un hôtel abandonné. Cette compagnie érémitique, un peu marginale, change complètement de vie quand l’un des deux jeunes ramène au campement une vieille tante internée à tort dans un asile d’aliénés depuis soixante-six ans. La vieille, pas folle du tout, bouscule la vie trop bien réglée de ces ermites de la forêt et se révèle d’une grande utilité pour décrypter les très nombreux tableaux qu’Ed, Ted, Edward a laissés avant de décéder.
Les vieillards nonagénaires, malgré leur grand âge, trouvent une nouvelle raison de vivre avec cette fragile octogénaire experte innée en art pictural, et redécouvrent des sentiments, des émotions, des petits plaisirs, qu’ils avaient oubliés ; le roman se transforme alors en une belle et très émouvante histoire d’amour, peut-être l’histoire d’amour impossible qu’Ed, Ted, Edward a voulu décrire dans ses tableaux énigmatiques.
Dans un style alerte, frais, pétillant où il est difficile de distinguer les expressions propres à l’auteure de celles issues de la langue québécoise, Jocelyne Saucier propose un grand message d’espoir, l’amour reste possible à tout âge et dans les pires des conditions, la tendresse ne meurt jamais et le feu peut renaître sous les cendres les plus froides. Et c’est bien sous les cendres froides des grands incendies du nord de l’Ontario que la photographe découvre l’amour d’un jeune homme indécis qui n’a jamais pu dire son amour, cet amour que la vieille dame lira sans difficulté sur les toiles qu’il a laissées et qu’elle répandra autour d’elle. Une histoire fraîche, émouvante, touchante, pleine de tendresse, une quête du bonheur racontée avec une grande finesse par l’auteure.
Denis Billamboz
Il pleuvait des oiseaux
Auteur : Jocelyne Saucier
Editeur : Denoël
208 pages – Prix : 16.00 €¬
Date de sortie : 22/08/2013